VII.1.1 LA FAÏENCE :
MOYEN ÂGE ET RENAISSANCE :
C'est d'Orient, par l'intermédiaire de la Perse et de l'Espagne musulmane, que semble venu le premier essor. Parmi les plus anciens spécimens de poteries italiennes du moyen âge, figure un groupe important de plats et de vases trouvés à Orvieto, à Florence, à Sienne, et dont le décor peint en vert et en violet de manganèse rappelle nettement la fabrication musulmane de Paterna. Le nom de "majolique", appliqué aujourd'hui à la céramique italienne, désignait à l'origine les fa7iences hispano-mauresques fabriquées pour l'Italie et exportées en grand nombre de Majorque. Dans les poteries de la période de début, le mode de décor le plus fréquent est celui que les italiens désignent sous le nom de "Graffito". Il consiste à "gratter" les lignes du dessin ou à découper, en réservant les motifs ornementaux, de petites surfaces dans l'épaisseur d'une couche de terre superficielle, dont on a préalablement recouvert le corps de la poterie. Le tout est enrichi de rehauts de couleurs, bruns, vert, jaunes et enduit d'un vernis plombifère transparent. Ce procédé, très pratiqué aux XVe et XVIe siècles, se maintiendra jusqu'au XVIIe siècle dans le nord de l'Italie. Mais la céramique italienne par excellence est la faïence peinte sur émail opaque à base d'étain. L'origine de l'émail stannifère, appelé à une brillante carrière en Italie et en France, est encore mal définie. Connu des Orientaux bien auparavant, il devint d'un usage courant en Italie vers le milieu du XVe siècle. Luca della Robbia l'appliqua à ses décorations monumentales dans le but de les préserver des influences atmosphériques par une couverte imperméable. La faïence italienne est décorée suivant le procédé dit "au grand feu sur émail cru". Après une première cuisson, les pièces sont plongées dans un bain d'émail stannifère. La pièce reçoit son décor peint, exigeant de l'artiste une grande hardiesse et sûreté de main, car aucune retouche n'est possible. Pour les dessins réguliers, on fait usage de calque ou de poncif. Le travail s'opère à l'aide de longs pinceaux en poils d'oreilles de bovidés. La faïence est cuite "au grand feu" près de 1000 'C pendant une durée de 30 à 36 heures de cuisson. Ce mode de décor laisse toujours une certaine part à l'imprévu, les couleurs pénètrent l'émail en fusion. Mais les oxydes sont modifiés par le grand feu et il ne permet qu'une palette restreinte : bleu, vert, violet, jaune et noir. En outre, les potiers italiens, par l'emploi d'un enduit vitreux, la "coperta", dont ils recouvrent le décor, obtiennent des tons remarquablement riches. Nombre de villes d'Italie ont eu des ateliers de potiers. Aux XVe et XVIe siècles, des centres prospères existaient dans les régions du centre et du nord-est de l'Italie : Toscane, Marches, Ombrie, utilisant les dépôts limoneux des cours d'eau qui descendent des Apennins.
FLORENCE & FAENZA : Florence et Faenza semblent bien avoir été les centres de fabrication les plus importants, en activité dès le début du XVe siècle, et autour desquels on groupe d'une manière générale les majoliques de la première époque. Ces fwiences se distinguent toujours par leur caractère essentiellement décoratif Le groupe le plus ancien (deuxième quart du XVe) est celui des beaux vases dits "à feuilles de chêne", de style encore oriental en vert sur fond d'émail blanc laiteux. A partir de la fîn du XVe siècle,
la technique s'affîne, les formes se font plus recherchées,
le décor et la palette s'enrichissent. (Fig) Puis, au cours du XVIe siècle, des scènes à personnages, sujets copiés de gravures contemporaines, remplacent peu à peu les compositions ornementales. Parmi les ateliers faentins les plus réputés, ceux de la "Cas Pirota" étaient en pleine activité entre 1520 et 1535. Cest surtout à partir de 1535, au temps où travaillait à Faenza un artiste habile "Baldassare Manara", que s'imposa l'habitude de copier des gravures. La production de Faenza perdant alors toute originalité, se confond avec celle d'Urbino. Le revers des pièces de Faenza est généralement couvert de lignes concentriques bleues et violettes, et parmi les marques diverses, la plus souvent reproduite est un cercle traversé d'une croix.
CAFFAGIOLO : Le nom de "Caffagiolo" qui apparaît sur les faïences italiennes du début du XVIe siècle, prouve l'existence d'ateliers de potiers dans cette petite ville située aux environs de Florence. Les Médicis, qui en avaient fait une de leurs résidences préférées, durent favoriser le développement d'une fabrication luxueuse apparentés à celle de Faenza. Les plus belles pièces de Caffagiolo, de style florentin appartiennent au premier tiers du XVIe siècle. Padoue, Ravenne, Cesena, et Forli imitèrent la fabrication de Faenza. On peut encore rapprocher celle des ateliers de Sienne, qui ont laissé de beaux pavements à décor de grotesques sur fond noir et des pièces originales, portant la signature de "Maestro Benetto". Un potier siennois, Galgano di Belforte, séjourna à Valence pour y apprendre le secret du lustre métallique. De retour en Italie, il fabriqua des faïences à l'imitation des grands plats hispano-mauresques. Le procédé également connu en Ombrie devait faire la réputation des ateliers de Deruta et de Gubbio. DERUTA : C'est à Dureta, près de Pérouse, qu'on attribue toute une riche vaisselle à reflets métalliques. Vers le milieu du XVIe siècle, les scènes à personnages apparaissent et on a relevé la signature de "El Frate in Deruta", sur plusieurs plats où domine un jaune chamois très particulier. Deruta encore en activité au XVIIIe siècle imitait les faïences françaises.
GUBBIO : Les produits de Gubbio s'inspirent successivement des dessins rayonnants de Deruta, des grotesques de Castel-Durante, puis des scènes à personnages d'Urbino ; mais ils se distinguent par la légèreté et la finesse de leur pâte, par la perfection et l'éclat de leur lustre métallique qui s'enrichit d'un rouge carminé ou "rouge rubis". On en attribue l'invention à "Maestro Giogio Andreoli", qui vint s'établir à Gubbio, avec ses deux fils à la fin du XVe siècle. La belle époque des faïences lustrées est la première moitié du XVIe siècle. Par la suite, les potiers de Deruta et de Gubbio se contentèrent de copier des gravures.
CASTEL-DURANTE : Castel-Durante qui
eut des ateliers de potiers dès le moyen âge et dont la production
se confond au XVe siècle avec celle de Faenza, devint bientôt
l'un des centres les plus réputés de l'industrie céramique
italienne. Le potier Piccolpasso qui y dirigeait un atelier vers 1550,
nous fournit de précieux renseignements dans son recueil des "Trois
livres de l'art du potier" (Fig). C'est à Castel-Durante que travailla d'abord le fameux "Nicolo Pellipario", qui devait s'illustrer à Urbino sous le nom de "Nicolo da Urbino". Les ateliers de Castel-Durante restèrent en activité jusqu'au Ile siècle, mais à partir du milieu du XVIe siècle, leurs œuvres ne se distinguent plus de celles d'Urbino.
URBINO : A Urbino, les premiers ateliers de potiers n'apparaissent qu'aux environs de 1500, fondés en majeure partie par les artisans venus de Faenza ou de Castel-Durante. L'industrie prit un essor si rapide que dès le milieu du XVIe siècle l'influence d'Urbino s'imposait à toute l'Italie. Les potiers exploitent une palette assez riche où domine le jaune-orangé, ils s'efforcent de rivaliser avec la peinture contemporaine. Le décor cesse d'être subordonné à la forme, le style s'unifie dans la copie des gravures qui remplace les compositions originales, et la céramique n'est plus que le reflet appauvri de l'art des grands maîtres de la renaissance. Parmi les artistes les plus réputés : "Xanto Avelli daRovigo" a signé de son nom en entier ou en abrégé, ou simplement d'un X..., des pièces qui s'échelonnent de 1522 à 1542. Les "Fontana", dynastie d'artistes, répètent les grandes composition de Raphaël. A la fin du XVIe siècle un nouvel atelier, celui des "Patanazzi", jouissait d'une grande vogue. Outre ces grands centres de fabrication, nombre de villes d'Italie: Rome, Viterbe, Rimini, Ferrare, eurent des ateliers . La fabrication se poursuit aux XVIIE et XVIIIe siècles. Monte-Lupo conserva la spécialité des vases inspirés de l'orfèvrerie et couverts d'un vernis brillant noir ou bleu sombre. Venise se distingue par son émail gris-bleuté. Gênes et Savone ont laissé des produits de caractère industriel, plats à godrons dont le décor bleu d'une exécution assez négligée rappelle celui de Delft.
NAPLES ET CASTELLI : Après la renaissance, les centres de fabrication se déplacent vers le sud de l'Italie. Des fabriques de céramique existaient dès le XVIe siècle, dans le royaume de Naples, mais c'est seulement au XVIIIe siècle, avec la brillante floraison de Castelli, qu'ils connurent un réel succès. Les faïences de Castelli, d'une tonalité pâle, rehaussée d'or, sont surtout de pièces de service, assiettes ou tasses décorées de sujet religieux, de scènes rustiques ou galantes. Les "Grue" et les "Gentili" se succèdent de père en fils à la tête des ateliers et on peut suivre leur généalogie jusqu'au XIXe siècle. Cependant la période originale de la céramique italienne est close, son apogée correspond à la Renaissance. Par la suite, les procédés de la faïence peinte sur émail stannifère s'étant répandus dans toute l'Europe, les produits de Delft, dès le XVIIe siècle, ceux des fabriques françaises au XVIIIe, supplantèrent la majolique italienne.
VI.1.2 LA PORCELAINE TENDRE :
PORCELAINE DES MÉDICIS : Dès l'époque de la renaissance, les potiers italiens cherchèrent à imiter les porcelaines de Chine. Après les premiers essais infructueux de Venise (1519) et de Ferrare, la tentative la plus intéressante est celle qui fut faite à la manufacture de Florence, ouverte en 1575 sous l'impulsion du grand-duc François ler de Médicis, et fonctionnant jusqu'en 1587. Une porcelaine artificielle est obtenue par un mélange de 80 % d'argile blanche et de 20 % de substance vitrifiée (fritte). On connaît une soixantaine de ces pièces florentines dites "Porcelaines des Médicis" et souvent marquées des armoiries des Médicis ou du dôme de Florence. Ce sont des pâtes tendres qui n'ont pas la délicatesse de celles que fabriquèrent au siècle suivant les céramistes français. La manufacture des Médicis fut ensuite transportée à Pise où la fabrication semble s'être poursuivie jusqu'aux environ de 1620.
VII.1.3 PORCELAINE DURE :
Il faut atteindre le deuxième tiers du XVIIIe siècle pour voir l'Italie reprendre ses recherches et réussir à fabriquer de manière régulière une belle porcelaine dure.
VENISE : La première fabrique de porcelaine dure en Italie est fondée à Venise par Francesco Vezzi (1651-1740). Cette manufacture est en activité de 1720 à 1727, et son biscuit égale celui de Meissen. La fabrique vénitienne de Cozzi produit de la vaisselle de table, et quelques sculptures en porcelaine grise de qualité inférieure. La fabrique bénéficia de nombreux privilèges et de subsides qui lui permirent de travailler de 1764 jusqu'en 1812.
DOCCIA : La manufacture italienne de porcelaine qui eut la plus longue existence fut celle de fondée par Carlo Ginori à Doccia, près de Florence, en 1735. Elle existe encore de nos jours sous le nom de Richard Ginori. De 1770 à 1790, la pâte grise de la porcelaine est le plus souvent masquée par un émail blanc et opaque, à base d'oxyde d'étain' habituellement réservé aux faïences. C'est à Doccia que sont fabriqués les "sujets en bas relief". Ce style a été largement copié par les porcelaines allemandes du XIXE siècle, frauduleusement marquées d'un "N" surmonté d'une couronne. Cette marque est, à l'origine, celle de la porcelaine tendre de la fabrique royale de Naples, fondée en 1771.
CAPO-DI-MONTE : La plus belle porcelaine jamais produite en Italie provient de la fabrique que le roi Charles III de Naples (Charles de Bourbon) installa, en 1736 (ou 1743 ?), dans le palais de Capo-di-Monte. Lorsqu'il fut appelé au trône d'Espagne (1755), il emmena avec lui une partie de ces artisans qui poursuivirent leur fabrication à Buen-Retiro près de Madrid, en 1759, conservant pour marque la fleur de lys gravée et rehaussée de bleu ou d'or. Les deux établissements firent principalement des porcelaines tendres à l'imitation de celles des ateliers français, elles s'en distinguent par leur style rococo et leur surcharge d'ornements en relief Buen-Retiro copia les céramiques de Wedgwood et exécuta de grandes pièces d'ameublement et jusqu'à des décorations murales entières telles que celles des salons de porcelaine d'Aranjuez et du Palais royal de Madrid. Pendant la seconde période de leur fabrication, Capo-di-Monte marque de I'N couronné tandis que Buen-Retiro adopte une marque formée de deux C face à face, où la production se poursuivit jusqu'en 1800.
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