VII.3.1 LA FAÏENCE (XVIIe et XVIIIe siècles) :
DELFT : La faïence de Delft, à l'instar de la majolique italienne, est une faïence à émail stannifère, peinte sur cru et cuite au grand feu. Son émail doit un éclat particulier à l'emploi d'un enduit vitreux superficiel, le "kwart", de composition différente, mais de rôle analogue à celui de la "coperta" des italiens. La faïence italienne était une fabrication de luxe, au contraire, celle de Delft était conçue dans l'esprit pratique et utilitaire, et la Hollande a fourni toute l'Europe de vaisselle d'usage. L'art de la poterie était florissant à Haarlem dès le XVIe siècle, mais à Delft ses débuts furent très modestes et son grand développement ne commence qu'au XVIIe siècle. C'est en 1611 que se forme la grande corporation de la Guilde de Saint-Luc, organisation puissante groupant tous ceux qui dans la ville faisaient usage de couleurs ou maniaient le pinceau". Le premier nom de potier qui y apparaît est celui d'"Hermann Pieterz". Les plus anciennes faïences de Delft, peintes en camïeu bleu, se distinguent par la surcharge et l'exubérance de leur décor. Elles portent des scènes de bataille, de chasse ou de kermesse, des sujets religieux dessinés au "tek", sorte d'encre, brun ou violet foncé, qui rehausse les contours. Une deuxième période qui correspond au milieu et à la seconde moitié du XVIIe siècle marque l'apogée de la fabrication delftoise. L'industrie prospère et le nombre des faïenciers élus à la guilde va croissant. L'essor très rapide de la faïence de Delft est dû en grande partie au génie commercial du peuple hollandais, qui lui fournit de rares facilités d'exportation. La Hollande, en rapports constants avec tous les pays européens d'une part, et, d'autre part avec l'Orient et l'Extrême-Orient, a. joué un rôle prépondérant dans le développement de ce goût d'exotisme qui se dessine dès le début du XVIIe siècle. Les porcelaines d'Extrême-Orient, importées par les navires hollandais, et bientôt préférées aux majoliques italiennes, seront la grande source d'inspiration du décor de Delft, parallèlement aux tableaux de l'école des Petits Maîtres. "Abraham de Cooge" et "Van Frytom " peignent en camaïeu bleu sur des plaques de faïence des scènes de genre, des paysages et des marines, reflet direct de la peinture contemporaine, tandis qu'"Albrecht de Keiser" et les "Pynacker" ses gendres, réussissent à contrefaire les porcelaines du Japon. "Adrien Pynacker" a signé de son monogramme ces "Japons" bleu, rouge et or, qui nécessitaient une cuisson supplémentaire. C'est encore au courant oriental qu'appartiennent les pièces à sujets chinois en camaïeu bleu ou les grosses potiches cannelées attribuées à l'atelier des "Eenhorn". Au XVIIIe siècle, la production augmente, jusqu'à prendre un caractère commercial. Quelques artistes tels que "Van der Haagen" ou "Piet Vizier" maintiennent les traditions. D'autres comme les "Dextra" ou les "Verhaast" font des prodiges, mais les recherches de polychromie qui entraînent les potiers à l'abandon de la technique du grand feu, la diffusion de la porcelaine et surtout celle des faïences fines anglaises, à la fin du XVIIIe siècle, amèneront la complète décadence de l'industrie delftoise. Les produits de Delft sont très souvent marqués, noms ou initiales de potiers ou signes particuliers à chaque fabrique (la rose, les trois cloches, l'A grec, la griffe, ... ). La faïence de Delft tient une place capitale dans l'histoire de la céramique; elle a suscité d'innombrables imitations, en Hollande même et en Belgique où d'autres villes : Haarlem, Utrecht, Amsterdam, Bruxelles, tournai. Son influence s'étendit à tout le Nord de la France (Lille, Valenciennes) comme aux grandes manufactures de Nevers et de Rouen, en Allemagne où les produits de Francfort et de Bayreuth furent longtemps attribués à Delft, en Angleterre, dont les faïences à décor bleu ou polychrome sont connues sous le nom de "Delft Anglais". Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la réputation de Delft était telle qu'on voit partout en Europe des potiers demander des privilèges pour faire de la faïence "à la manière de Delft".
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