VIII La France.

 

VIII.6 Grès :

 

XIXe siècle

 

Sous Louis-Philippe, un novateur, Ziegler, redonne sa noblesse au grès et "de la poterie la plus vulgaire, fait œuvre d'art". A la fin du XIX siècle, le grès acquiert toute son importance : en architecture, on s'aperçoit qu'il résiste aux intempéries; mais surtout, "matière supérieure à toutes les autres du point de vue artistique, fine , résistante, se prêtant merveilleusement à l'application des émaux les plus riches".

Le grès utilitaire trouve une expansion nouvelle avec l'industrie et toutes les bouteilles à acide, les appareils de chimie.

 

LA BORNE.- Le village de La Borne n'est qu'un lieu-dit, dans une clairière perdue au milieu des bois, au cœur du Berry. Depuis la fin du XVIIIe siècle, la grande activité du village est la poterie de grès beiges, cernés de tâches marron. Pendant cent ans, tout le monde, hommes ou femmes, s'affaire à fabriquer les modestes objet quotidiens.

Mais une famille surpasse les autres par son originalité et son imagination créatrice. C'est celle des Talbot, vraie dynastie dans le genre: au temps du roi Louis-Philippe, Jean-Pierre Talbot ou son frère, Jacques-Sébastien, ont beaucoup de talent, tandis que Marie, leur parente, sera la plus célèbre potière . du siècle. Sur leurs objets, des vinaigriers, des fontaines, des calvaires, ou des écritoires, ils ont l'art de camper des personnages naïvement sculptés.

 

HAGUENAU. - Non loin de Strasbourg, Haguencau fabrique des grès à pâte grise, ornés d'une fleur bleu dur, très fondue. Ce genre se poursuivra jusqu'au XXe siècle.

 

LIGRON. - En dehors de la poterie, on fait aussi quelque grès et certaines pièces, comme ces petits flacons plats à reliefs historiés, vers 1860 : ce sont des tabatières; sur une face un médaillon représente Louis-Napoléon ; sur l'autre, figure l'aigle impérial.

 

NORON. - Comme les poteries des villages voisins, les grès sont ornés en pastillage de fleurs en relief, d'un blanc jaunâtre.

 

LA RENAISSANCE DU GRÈS :

 

Ziegler (1804-1856) : C'était d'abord un peintre; une de ses œuvres est la coupole de La Madeleine. Mais cet immense travail lui fatigue la vue, et Ziegler doit abandonner ses pinceaux Un voyage d'étude en Allemagne lui a permis d'admirer les grès allemands. En 1839, il crée une fabrique de grès à Voisinlieu dans l'Oise. Pendant cinq ans, il se livre avec passion à ces travaux, puis abandonne la céramique en 1844. Mais ces quelques années lui ont donné ce que la peinture lui aurait refusé : ne pas être oublié.

Les grès de Ziegler sont brunâtres. L'influence allemande a donné à l'artiste le goût des décors chargés : il va orner tous ses grès de moulages. Les motifs sont souvent empruntés à la nature. Mais ce n'est pas la seule source d'inspiration. L'objet le plus célèbre est le "Vase des Apôtres" (Fig), de 1844; sur plus d'un mètre de haut, dans des arcades byzantines mêlées d'entrelacs inspirés de l'art arabe, se dressent le Christ bénissant et les douze apôtres debout. Ainsi Ziegler a voulu rendre aux grès les beaux tons, les belles formes, les riches ornements sculptés des grès flamants et allemands du XVIIIe siècle.

Il rédigera un livre : Etude céramique, recherches des principes du beau dans l'architecture, la céramique et la forme en général, théorie de la coloration des reliefs.

Les œuvres de Ziegler sont coûteuses ; très vite se fondent d'autres fabriques, souvent par des ouvriers sortis de chez Ziegler. Mansard reprend la suite du maître à Voisinlieu. A Paris, Salmon, installé 22, rue d'Assas, vers 1850, interprète la leçon reçue en ornant des pendules ou d'autres objets en style gothique, ou en réalisant des corbeilles ou des paniers tressés.

 

L'INFLUENCE DE L'EXTRÊME-ORIENT :

 

On commence à comprendre la variété et la liberté merveilleuses que peut offrir le grès, terrain de choix pour l'expression personnelle d'un artiste.

 

Ernest Chaplet (1836-1909) : dès sa jeunesse, il est passionné par les arts du feu. Mais ce n'est qu'en 1882 qu'il crée une petite fabrique de grès, à Auteuil, dans une annexe de la maison Haviland. Quelques membres de cet atelier s'illustreront par leurs grès, les frères Dammouse, Muller.

En 1885, Haviland abandonne l'affaire à Chaplet et l'artiste commence à travailler pour Boulenger de Choisy-le-Roi. Finalement, en 1887, il cède son usine à un confrère, Delaherche, et part à Choisy où il va poursuivre son œuvre.

Puis Chaplet reprend les formes chinoises. Son rêve est de réaliser ce fameux "sang de bœuf", connu en Chine, dès le XIIIe siècle. Il étudie toutes les possibilité du rouge de cuivre, efforts couronnés de succès : on le surnommera "le Maître des flammés". Pour réaliser ces couleurs indéfinissables dont les noms "Clair de lune", "Peau d'anguille", "Sang caillé", "Foie de mulet", il se livre aux expériences les plus hardies. Quand il vend sa fabrique à Delaherche, il refuse de lui donner ses recettes de "sang de bœuf". Et, avant sa mort, il aurait fait une dernière fournée tragique pour brûler tous ses papiers et documents !

 

Auguste Delaherche (1857 - 1940) : Delaherche descend d'une famille de potiers de, grès du Beauvaisis. En 1883, installé à Goincourt, puis, en 1887, il reprend la fabrique de grès de Chaplet, à Auteuil. Mais la grand partie de son activité se situe dans l'Oise, à Goincourt, à Armentières, et finalement à la Chapelle-aux-Pots, à partir de 1894.

Ses grès brun et rouge sont très réputés.

 

Jean Carriés (1856-1894) : Carriès est sculpteur, il veut essayer la céramique, en 1888, et s'oriente vite vers le grès. Il quitte Paris et la rue de la Huchette, et s'installe dans la Nièvre, à Saint-Amand-en-Puisaye, perdu parmi les potiers de tradition, pour apprendre le métier. Il fait des bustes, des masques grimaçants ou souriants, d'une intensité de vie extrême. Son goût du tragique le pousse à réaliser des figures de Bohèmes aux masques ravinés, "les Désolés". Carriés va perdre trois ans de sa vie et engloutir une somme considérable dans la réalisation de la porte d'un hôtel particulier pour la princesse de Scey-Monthéliard. C'est une sorte de sanctuaire fait pour abriter la partition manuscrite de "Parsifal".

Dans l'œuvre de Carriés règne la plus grande diversité : certains objets sont gris, à base de scories du four; un peu plus tard un bleuté avec cendres de bois. Carriés se vantait de "ne jamais émailler trois pièces de la même façon ... " ?

 

Albert Dammouse (1848-1926) : Dammouse eut une grande activité de céramiste. Il a travaillé à la manufacture de Sèvres où son père était sculpteur, puis chez Haviland. Mais, en dehors de la porcelaine, le grès l'attire, ses premiers essais datent de 1892.

Il s'oriente vers des formes simples et robustes, et crée un genre vraiment personnel, aux colorations franches. Dammouse sera attiré par le grès architectural comme la frise d'un hospice des vieillard, à Boulogne-sur-Seine.

 

D'autres céramistes: Jean-Charles Cazin (1841-1901), pour ses grès flammés, Edmond Lachenal (1855-1900), André Methey (1871-1921), influencé par Carriés.

 

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