VIII La France.

 

VIII.5 FAÏENCES FINES :

 

La faïence fine arrive d'Angleterre au milieu du XVIHE siècle. Dès la fin du XVIIe siècle, les faïenciers du Staffordshire avaient vu les propriétés du sel marin sur l'argile: une glaçure translucide. Si ce procédé pouvait être utilisé sur une pâte blanchie, le résultat serait beaucoup plus intéressant, donnant un aspect plus soigné aux pièces, en supprimant les couleurs émaillées. Mais comment blanchir l'argile ?

 

CAILLOUTAGE. - Les potiers anglais essaient avec du sable fin, mais le résultat ne leur semble pas satisfaisant. En 1725, l'un d'eux chevauche vers Londres. Heureux hasard des inventions, le cheval est atteint d'une maladie des yeux ; le potier se désole, l'aubergiste lui conseille un remède infaillible : l'application de silex calciné sur les yeux de l'animal. Hésitant, le voyageur obéit tout de même, et remarque bientôt que le silex, noir, est devenu blanc à la calcination. Le cheval guéri, le potier repart à Londres mais pense à son métier: pourquoi ne pas blanchir la pâte par ce moyen ? Le résultat est un succès, c'est le cailloutage.

 

TERRE DE PIPE. - Le succès augmente encore en remplaçant le sel marin par un vernis plombifère. En ajoutant de la chaux à la pâte, celle-ci est encore plus blanche; elle ressemble tant à l'argile employée pour faire les pipes, qu'on lui donne le nom de " terre de pipe". Ce n'est plus du succès, c'est de la frénésie : dès 1760, cent quarante-quatre fabricants du Staffordshire mobilisent soixante-dix mille ouvriers pour la réaliser et bientôt cette création va envahir l'Europe.

Cette "terre à pipe", très plastique, permet des reliefs fort précis et ciselés et, pendant tout le XVIIIe siècle, va copier les formes d'argenterie. L'abondance des reliefs remplace souvent le décor coloré mais celui-ci peut exister aussi, peint, engobé, ou imprimé.

 

XVIIIe siècle :

 

DOUAI. - Les manufactures de l'est de la France, Lunéville, Bellevue, Saint-Clément adjoignirent de bonne heure à la fabrication de la faïence commune celle de faïences fines d'un beau blanc crémeux sans aucun décor peint.

A Douai, où ce furent des artisans anglais, Ch. et J. Leigh, qui vinrent s'établirent en 1790, la production moins originale reprit les modèles de Leeds et du Staffordshire, tandis que Sarreguemines, au début du XIXe siècle, copiait les poteries de Wedgwood.

 

PARIS, FABRIQUE DU PONT-AUX-CHOUX. Parmi les faïenceries prêtes à suivre les modes nouvelles, l'une des plus réputées fut celle qu'Edme établit vers 1740, à Paris même, dans le quartier de Charonne, près de la porte du Pont-aux-Choux. Elle avait le titre de "Manufacture royale des terres de France à l'imitation de celles d'Angleterre". On lui attribue de grandes pièces de services, si étroitement apparentées à l'argenterie des orfèvres parisiens contemporains qu'on a pu croire que les potiers avaient surmoulé des œuvres de métal.

Avec la fin du XVIIIe siècle l'industrie de la faïence fine prit un essor dans toute la région parisienne, car les potiers trouvaient des gisements d'argile très pure aux portes de la capitale. Les fabriques se multiplièrent, à Montereau, à Creil, à Choisy-le-Roi, fondées et dirigées bien souvent par des artisans anglais. Elles ne résistèrent à la dangereuse concurrence des produits importés d'Angleterre qu'en adoptant, à leur tour, les procédés mécaniques, impression, décalcomanie, pochoir, dont l'usage leur permit une fabrication abondante et à bon marché. Sous l'Empire et la Restauration elles jouissaient d'une prospérité commerciale et produisaient des faïences imitant les pierres dures et les métaux précieux.

 

XIXe siècle :

 

MONTEREAU. - Montereau-Faut-Yonne est pour la faïence fine, la plus ancienne fabrique de France. Dès 1748, on y fait des "poteries à limitation de celles d'Angleterre". Longtemps, l'endroit reste un fief anglais, où les Britanniques prédominent : George Wood, Merlin Hall. En 1819, ce dernier vend sa fabrique au propriétaire de la faïencerie de Creil, Saint-Cricq Cazeaux., qu'il revend en 1825, à deux associés, Lebeuf et Thibaut. Lorsque Saint-Cricq disparaît, en 1840, les nouveaux associés de Montereau relancent allégrement la firme Creil-Montereau. Le premier quart du XIXe particularité de Montereau : le fond blanc a un léger reflet métallique. La plupart des pièces sont unies à bord festonné.

Sous Louis-Philippe, le décor imprimé prend toute son importance à Montereau. L'actualité est fort bien observée : une série d'assiettes sur le retour des cendres de l'Empereur ou sur la campagne d'Afrique en 1839; la "Marche sur Constantine", le "Défïlé des Portes de Fer", la "Prise de Cherchell" sont les premières images. Enfin, Montereau fait des pâtes colorées, bleuâtres ou verdâtres ornées de filets bleu azur.

 

CREIL. - Creil établi en 1796, sur les biens du prince de Condé. Sa renommée est précoce : dès 1803, une trentaine d'ouvriers, entraînés par Baguall, anglais d'origine, quittent Chantilly, pour venir à Creil où Baguall va s'associer avec le propriétaire Saint-Cricq Cazeaux. Resté seul, en 1818, ce dernier a l'idée d'acheter Montereau. La première fusion Creil-Montereau dure près de sept ans, jusqu'en 1825. A ce moment, Saint-Cricq juge plus sage de se contenter de l'énorme fabrique de Creil, dont il restera propriétaire jusqu'à sa mort, en 1840. Les associés de Montereau, Lebeuf et Millet, créent à nouveau la firme Creil-Montereau. Les ateliers de Creil ferment en 1895, mais le nom "Creil-Montereau" n'est pas abandonné.

Le principal débouché de Creil est longtemps Paris. Aussi, pendant le premier tiers du XIXe, les "Creil" auront meilleure réputation que les Montereau.

Le premier quart du XIXe, Creil copie les formes nobles de l'argenterie pour les aiguières, les soupières, ou les légumiers. Les attaches ou les boutons sont l'objet d'une recherche élégante: les moindres détails doivent être soignés, avec des arêtes bien nettes, des perlés en relief très fins.

Des décorateurs de talent, Stone, Coquerel et Legros d'Anisy, achètent les blancs à la fabrique et les ornent de très fines impressions noires, rehaussées parfois d'un trait sépia.

Sous Louis-Philippe : son succès dans la faïence fine permet à Creil de faire des pièces plus importantes : des services à café, des services de table, des plateaux ou des vases imposants. Les motifs imprimés suivent l'évolution du temps, et perdent de leur grandeur. Déjà apparaissent quelques scènes de la vie courante tandis que les motifs chinois connaissent une grande faveur à Creil.

 

SARREGUEMINES. - A la fin du XIXe siècle, il n'est pas une seule famille qui ne possède quelques faïences de Sarreguemines. En cent ans, cette fabrique a inondé la France entière de ses produits. C'est le fruit d'une belle réussite, celle de François-Paul Utzschneider. Né en 1771 en Bavière, il part en Angleterre, terrain de choix pour un apprenti céramiste. Le voici en France au début de la Révolution. Utzschneider est alors en mesure de s'installer à Sarreguemines où il s'associe avec Fabry. Les débuts sont modestes. Mais le faïencier, "vrai génie" selon les rapports de l'époque, est passionné par son métier. Dès sa première exposition en 1801, il est récompensé, il sera vraiment le collectionneur de médailles d'or. Ne sachant plus comment l'honorer, on finira par lui remettre la Légion d'Honneur. La fabrique est fort prospère, avec un dépôt à Paris, rue du Faubourg-Saint-Denis. Ajoutant un grain de vanité à sa gloire, le patriarche de la maison a marié sa fille au baron Alexandre de Geiger; il peut mourir tranquille en 1844: son gendre a pris sa suite dès 1836.

Geiger dirige la fabrique jusqu'en 1871. Mais la guerre met Sarreguemines en terre allemande et entraîne, "pour les ouvriers qui veulent rester français", la création de deux succursales, l'une à Digoin, l'autre à Vitry-le-François. En 1871, la fabrique passe aux mains du fils de Geiger, Paul, qui la garde jusqu'en 1913.

Le succès de Sarreguemines, avec ses deux mille ouvriers, ses quatre millions de chiffre annuel, en 1867, tient en trois mots : variété, bon marché, qualité. En 1867, en dépit de l'augmentation de la main-d'œuvre, certains articles ont baissé de soixante pour cent !

Pour ses faïences fines, Utzschneider essaie les effets les plus divers, il veut les reflets les plus riches, copiant l'or l'argent. Vers 1820, le décorateur Legros d'Anisy vient de mettre au point un doré qu'il suffit de frotter au blanc d'Espagne pour faire briller.

Vers 1850, on note des effets de marbré, et surtout, quelques années plus tard, des fleurs, dans le genre Perse, en camaïeu.

Pour suivre la mode, à la fin du siècle, Sarreguemines fait des panneaux de revêtement.

 

CHOISY-LE-ROI. - En 1804, les Paillart, décident de fonder une fabrique de faïence à Choisy-le-Roi. Un associé se joint bientôt à eux : Hautin. En 1824, l'un des frères Paillart disparaît, l'autre continue avec Hautin. Et lorsque celui-ci reste seul en 1836, il s'associe avec Louis Boulenger qui s'occupe de la fabrique jusqu'en 1862. La maison passe à Hippolyte Boulenger, en 1878, ce dernier la met en société.

Le premier quart du siècle, une foule de pièces unies, sortent alors des fours de Choisy. Ce sont des objets de services, à pans, avec le traditionnel perlé en relief, ou, au contraire, arrondis, avec un bord ajouré copié sur la vannerie. Mais le décor imprimé sanguine, puis noir, a très vite une grande importance. Choisy a une prédilection pour les "Portraits princiers", de Marie-Antoinette au duc de Bordeaux.

Les années trente, un décor en relief de godrons, de cygnes affrontés, d'arabesques, veut conserver au marli toute sa noblesse passée. Enfin, les scènes de chasse, et le genre Perse fleurie, plaisent beaucoup.

Avec Louis Boulenger, la pâte devient plus blanche. Le goût des reliefs persiste sur les marlis, et les décors imprimés se développent.

La fin du siècle, en 1863, les décors imprimés ne sont pas abandonnés au contraire, les sujets relatent les événements du temps, comme "l'Ascension en Ballon, de Paris à Meaux en 1863".

Mais le décor imprimé est dépassé, depuis que Choisy a lancé un nouveau genre, inspiré des Emaux mbrants de Rubelles. Ces pots en forme de canard ou de petit cochon, des plats à huîtres ou à asperges en trompe-l'œil.

 

GIEN. - Lorsque Merlin Hall a quitté Montereau, en 1819, il a donné sa parole de ne pas se réinstaller dans les environs. Voilà pourquoi il jette son dévolu sur Gien, en 1822, où il prend bientôt un associé, Guyon. Celui-ci, en 1829, crée une nouvelle société avec de Boulen et Guérin. En 1851, de Boulen va s'associer avec Geoffroy. En 1857, la direction de la fabrique est devenue "société anonyme".

Vers 1860, elle devient une des six grandes fabriques de France.

Les premiers Gien : les pièces du début sont souvent blanches, sans décor. Puis vers 1830, on trouve bientôt des rebords jaunes. Les décors imprimés sont des paysages de la région, le "Canal de Briare", le "Château de Saint-Brisson", le "Moulin de Pailly".

Après 1860, Gien est gagné par la folie de l'imitation: Rouen au lambrequin, ou à la corne, Moustiers, majolique Italienne. Tous les princes et les familles nobles d'Europe souhaiteront commander un service dans la petite ville de la Loire. La faïencerie travaillera pour la Cour des Pays-Bas, le futur roi de Serbie, ou le Grand-Duc de Saxe, sans oublier les grands noms de France, la Rochefoucauld, Harcourt, Latour-Maubourg, ou d'autres aux résonances plus proches : Toulouse-Lautrec, José-Maria de Hérédia.

Vers 1880, Gien veut tout essayer. Des pièces ornementales cherchent à imiter le jaspe, la nacre ou l'agate. Les nouveaux effets de la photographie sous émail sont inaugurés vers 1867, et, à la fin du siècle, quelques essais de faïences émaillées flammées. En 1888, un critique s'exclamait -. "La faïence de Gien, c'est du bois peint, de la potichomanie, tout ce qu'on voudra, excepté de la faïence."

 

BORDEAUX. - A l'ombre des grands voiliers amarrés sur la Gironde, les faïences fines de Bordeaux ont connu longtemps de beaux jours.

La première fabrique est celle de Lahens et Rateau, à Fouqueyrolles. Boudon de Saint-Amans sera le collaborateur de cette éphémère entreprise, fondée en 1831, et fermée en 1834. L'affaire est reprise par David Johnston, d'origine irlandaise, aidé de Bourdon de Saint-Amans. Installé au Moulin des Chartrons, sur le quai de Bacalan, cet enthousiaste va se battre pour défendre son affaire. Il fait venir d'Angleterre, sans payer de droits de douane, combustible et matières premières, et, sa haute situation politique aidant, il est maire de Bordeaux, il obtient pour son entreprise le titre pompeux de "Manufacture ronde de Bordeaux" ! Pendant dix ans, Johnston, sans cesse, paye de sa personne et de ses deniers jusqu'au moment, où, ruiné, le malheureux faïencier doit se retirer en 1845.

Après lui, et pour un demi-siècle, le destin des faïences de Bordeaux sera lié à celui de la famille Vieillard. Jules Vieillard donne un regain à la fabrique. Cet industriel avisé comprend le danger d'une dépendance anglaise : désormais, à Bordeaux, on fera du français cent pour cent. La terre arrive de Périgueux, le silex de Ribérac, le kaolin de Bayonne et la fameuse tourbe vient du Lot-et-Garonne. Vieillard accueille tous les progrès mécaniques, cherche à tout fabriquer lui-même, jusqu'aux couleurs. Un tel esprit d'économie lui vaut récompenses et succès : on affirme bientôt que la fabrique marche sur les traces de Creil ! Les produits se vendent très facilement, non seulement à Paris où la maison a son dépôt, mais au-delà des mers. Dans les cales des navires s'entassent les caisses de vaisselle destinée aux colonies. Après la mort de Jules Vieillard en 1868, et jusqu'en 1895, ses fils vont prendre en main la direction de la fabrique, sous le sigle: "Jules Vieillard et Cie".

 

Chez Labens et Rateau : c'est une production sage que celle de Lahens et Rateau, encore imprégnée du goût de l'Antiquité- Pour tous leurs petits objets décoratifs, du pot marabout à la boîte à poudre, ils adoptent aussi facilement le grès fin que la faïence fine. L'Angleterre les inspire- Sans vergogne, les fabricants iront jusqu'à surmouler des Wedgwood.

 

Avec Johnston : tout naturellement, le goût de Johnston lui fait poursuivre l'inspiration anglaise. On retrouve chez lui l'anse en forme de levrette, typiquement britannique. Le fabricant oriente ses faïences fines vers les pièces pratiques, des plats à égouttoir aux services de table ou de toilette.

Johnston va développer à Bordeaux les décors imprimés, en camaïeu brun, vert, rose et surtout bleu. Son goût le porte vers les sujets romantiques, la surface d'un lac aux eaux calmes, avec de charmants personnages au premier plan, tandis qu'au loin se dresse un minaret.

D'autres motifs : le "Panier fleuri", et les "Tapisseries", ou "Cachemires", qui recouvrent entièrement la pièce. Certaines lignes maritimes l'ont adopté pour la vaisselle du bord, et ce genre "Perse" gagne un surnom: "Décor des Paquebots".

 

Fabrication Viellard : esprit pratique, Vieillard délaisse vite les charmants grès de fantaisie pour se consacrer à la faïence fine et s'orienter vers l'article sérieux : le service de table. Un goût du panache, le pousse à réaliser des pièces énormes : témoin ce plat du Musée de Sèvres qui mesure plus d'un mètre trente.

Progressivement, Viellard va se détacher de l'inspiration anglaise. Il crée des modèles nouveaux, des services fleuris: la "Fleur de pêcher", les "Volubilis", et, gagné par l'éclectisme, s'inspire du décor Bérain de Moustier. Vers 1850, le marli est orné d'une sorte de quadrillage.

A la même époque, Vieillard inaugure les engobes colorés, remarquables par leur qualité d'exécution.

 

Avec les fils de Vieillard : les décors imprimés ne sont pas complètement abandonnés, mais leur qualité devient défectueuse. Les nouveau fabricants préfèrent s'orienter vers toutes les pièces décoratives, lampes, cache-pots, ou vases, désormais à la mode. Grâce à l'arrivée d'Amédée de Caranza, venu de Longwy, le décor est renouvelé.

 

APT. - La pâte marbrée avait connu une grande vogue à Apt au XVIIIe siècle. Au XIXe siècle, les deux fabricants Elzéar Bonnet et la veuve Arnoux la poursuivent. Dans ce village, la terre, saturée de fer, présente des teintes très variées allant du brun-rouge au blanc jaunâtre ou verdâtre. Les artisans jouent de ces différentes nuances, étirent, tressent et tordent des terres diverses pour obtenir cette célèbre brocatelle à l'aspect marbré. Ils s'inspirent de l'orfèvrerie pour toutes leurs pièces d'apparat, vases, bouquetières en forme d'urne, coupes couvertes sur présentoir.

 

ARBORAS, GRIGNY. - Vers 1830, dans une petite ville du Rhône, Arboras, Decaen lance une affaire de faïence fine. Neuf ans plus tard, il lui annexe une fabrique des environs, Grigny. En 1867, es nouveaux propriétaires de Grigny sont Duneault-Motte.

Decaen est un novateur, l'un des premiers à cuire à la houille; il fait progresser pâte et vernis et utilise le kaolin des environs pour des porcelaines dures et tendres. Les pièces sont d'abord très sobres : sans décor, ses coupes carrées à bord lobé, ses aiguières ne valent que par l'élégance de leurs formes. Puis le fabricant imite les Anglais "jusque dans la perfection de leurs formes grotesques". Les pièces les plus courantes sont ornées de la mince guirlande bleue, à la manière des porcelaines de Tournai.

 

CHANTILLY. - Chantilly a attiré les Anglais. George Wood, en l'an II, vient créer une fabrique de faïence fine, mais part vite à Montereau. A l'aube du XIXe siècle, un de ses compatriotes, Christophe Potter, reprend la fabrique. Mais c'est un malchanceux, en 1803, trente de ses ouvriers, entraînés par Baguall, partaient pour Creil. Bastenaire d'Audrier vient ensuite. Les premières pièces n'ont pas de décor. Puis, vers 1830, on enrichit les objets de fleurs en relief ornées de filets et de rehauts peints bleus, dans un décor nommé "façon Tournai".

 

FORGES-LES-EAUX. - A Forges-les-Eaux, en Normandie, plusieurs petites fabriques de faïence fine s'activent jusqu'à la seconde moitié du XIXe siècle. Au début du siècle, la plus connue est celle de Ledoux-Wood. Après être passé à Chantilly et à Montereau, l'Anglais George Wood est venu s'installer à Forges, en 1797. Son gendre, Ledoux, lui prêtera bientôt main forte et lui succédera, gardant le nom de Ledoux-Wood.

Dès 1802, leurs faïences fines sont assez belles pour être exposées au Palais des Consuls de Rouen. Ce sont des terres de pipe, ornées de relief pour imiter la vannerie.

 

LANGEAIS. - En 1839, près du pont de Loire, à Langeais, Charles de Boissimont crée une modeste fabrique; ce n'est qu'une affaire de briques et de tuiles, mais, trois ans plus tard, il lance des "poteries fines décorées". Elles ne sont même pas vernies. Mais Boissimont va bientôt les améliorer. Ce sont des pièces ovales, carrées, octogonales ou en losange couvertes d'un vernis noir ou jaune. Puis le fabricant préfère leur donner l'aspect de faïences fines blanc crème. Il a eu l'idée d'ajouter du kaolin à la terre puisée au village voisin de La Rochouze; ses ouvrières peuvent littéralement la filer, pour en faire des corbeilles, des paniers délicatement ouvragés. Boissimont ne résiste pas au désir de remplacer les rehauts de couleur par des filets et des ornements platine, qui donnent un aspect précieux et très séduisant à ces nouveaux Langeais.

Les articles pour fumeurs tiennent une grande place : les pots à tabac à la forme de souche d'arbre, et surtout, le "combiné pour fumeur" à plusieurs étages, à la fois cendrier, porte-pipes et porte-cigares.

Tout cela a fait la fortune de Boissimont. En 1842, il n'a qu'un seul ouvrier pour l'aider, mais quinze ans plus tard, ils sont deux cents, hommes, femmes ou enfants, à préparer les commandes, qui se succèdent sans cesse, en particulier pour l'Angleterre- Certains Langeais seront vendus en blanc, pour être décorés par des artistes parisiens, comme Ernie vers 1880. La fabrique sera vendue en 1900. Mais, pendant quelques années, le genre créé par Boissimont continuera d'être exploité.

 

LA VALENTINE, TOULOUSE. - Des ennuis politiques ont chassé le sieur Fouque de sa bonne ville d'Apt. A l'aube du XIXe siècle, le voilà donc à Toulouse où il lance une affaire familiale, bientôt nommée "Fouque-Arnoux". Dès 1820, "Fouque et Arnoux, fabricants de faïence, place Saint-Sernin à Toulouse", ont déjà soixante dix ouvriers et une annexe à La Valentine, près de Saint-Gaudens, où les deux fabriques seront regroupées en 1835. Sous l'Empire, la fabrication est empreinte de noblesse, avec des vases, des urnes. Mais, elle se démocratise avec de simples assiettes. Les décors imprimés sont en faveur : des vues de "Toulouse et la région". Vers 1840, les fabricants veulent améliorer le procédé de décoration en couleur avec plusieurs planches de bois, ce qui donne un dessin plus senti.

 

LONGWY. - C'est dans un couvent désaffecté, celui des Carmes, qu'une faïencerie est fondée à Longwy, en 1798, par Boch et Nothomb. Elle appartient à la famille Huart de Nothomb; à la fin du XIXe siècle, ce sera la "Société des Faïenceries de Longwy et Senelle".

Longwy a bonne renommée puisque Napoléon y fait exécuter le service de la Légion d'Honneur où la soupière, surmontée de la couronne impériale, est ornée d'abeilles et de deux aigles. Vers 1875, Amédée de Caranza lance ses fameux "Emaux de Longwy". Le décor veut surtout évoquer l'éclat des objet persans. Mais Caranza part chez le concurrent bordelais et Longwy ne garde pas bien longtemps son exclusivité.

 

METMACH. - En 1789, une fabrique avait été fondée à Vaudrevanges, dans la Sarre, par Villeroy. De son côté, J.-F. Boch, qui exploitait déjà avec succès la faïencerie de Septfontaines, crée en 1809 une nouvelle affaire à Mettlach. Entre Boch et Villeroy c'est une concurrence sans merci. En 1836, les ennemis déposent leurs armes; la Société Villeroy et Boch est fondée à Mettlach. Vers 1850, la maison fait du grès fin, dont certains sont rehaussés de platine.

 

SAINT-AMAND-LES-EAUX. Bien que la spécialité de Saint-Amand soit la porcelaine tendre, la fabrique fait aussi beaucoup de faïences fines, avec une grande production de séries d'assiettes à décor imprimé, sous Napoléon III.

 

SEVRES. - A la fin du XVIIIe siècle, un chimiste célèbre, Lambert, celui qui a retrouvé, pour la France, la composition du cristal, lance à Sèvres une fabrique de faïence fine façon anglaise. En 1806, Lambert la cède à Clavereau. La fabrication cesse rapidement. Le faïencier s'est efforcé d'imiter les grès fins de Wedgwood.

 

VAL-SOUS-MEUDON. Mittenhoff et Mourot sont installés en 1802 à Val-sous-Meudon, avant de partir à Paris, rue de Ménilmontant, en 1807. Ce sera une des premières fabriques de France à réaliser des grès fins. Leurs faïences sont ornées de décors peints en camaïeu marron : des guirlandes de fleurs, des petits paysages, ou le monogramme de Napoléon.

 

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