VIII La France.

 

VIII.4 FAIENCES COMMUNES :

 

Les raffinements de la Renaissance italienne ont entraîné en Occident le désir de mieux décorer les pièces céramiques.

 

LES FAIENCES STANNIFÈRES :

 

Faïences de grand feu : Décorées suivant les procédés traditionnels de la majolique italienne ou de la faïence de Delft, et dont les principaux centres furent Nevers, Rouen et Moustiers.

Faïences de petit feu "au feu de moufle": Vers le milieu du XVIIIe siècle, pour augmenter la gamme de couleurs, un faïencier strasbourgeois développe ce qu'il avait appris en Allemagne. Il fait entrer en jeu deux éléments nouveaux : un fondant, et une cuisson supplémentaire. Le décor peint est fixé sur l'émail déjà cuit à l'aide d'un fondant incolore mêlé aux couleurs. Une température plus doue, 750 à 800 'C, va suffire alors pour fixer les couleurs sur émail cuit.

 

XVIe siècle

 

BERNARD PALISSY. - La vie de Bernard Palissy est assez mal connue, car ses écrits personnels ont réussi à créer une véritable légende autour de son nom. Il naquit aux environs d'Agen entre 1500 et 1515, et était établi à Saintes en 1540. Son métier de peintre-verrier l'avait déjà familiarisé avec le travail des émaux, lorsqu'il décida de consacrer sa vie à l'art de la poterie. Après maints déboires ses recherches aboutirent. Protégé par le connétable Anne de Montmorency, il jouissait d'une réputation pour que Catherine de Médicis lui commandât, en 1566, la grotte de son jardin des Tuileries. Les traces du four de Bernard Palissy ont été retrouvées sous l'emplacement actuel de l'Arc du Carrousel. Bernard Palissy a le désir de reproduire servilement la nature vivante dans ses moindres détails, ce qui l'amena bientôt au moulage direct de l'animal et de la plante. Les pièces les plus célèbres, les "rustiques fîgulines", portent des poissons et des reptiles en haut-relief sur des fonds tout couverts de plantes variées et de coquillages. Bernard Palissy possédait une maîtrise des émaux et du feu et obtint dans ses plats, des colorations riches et profondes. Pour ses plats à sujets mythologiques, il empruntait aux graveurs contemporains ou aux œuvres des maître de l'Ecole de Fontainebleau, et son atelier a même surmoulé des pièces d'orfèvrerie (Fig) telles que les grands plats d'étain de François Briot.

L'influence de Bernard Palissy est restée assez limitée, ses faïences comme celles de Saint-Porchaire, se rattachent encore à l'art traditionnel des vieux potiers français.

 

FAIENCES PEINTES SUR ÉMAIL STANNIFÈRE. - Ce n'est que dans la seconde moitié du XVIe siècle que la fabrication de la faïence peinte sur émail stannifère, à l'imitation des majoliques italiennes, se généralisa en France.

Au XVIe siècle, des Italiens étaient établis à Lyon Sébastien Griffa et Francisco Pectoral, de Gênes, puis Gambien et Tarderiez, de Faenza, dont les entreprises furent largement favorisées. On doit peut-être leur attribuer le carrelage du château de Brou, exécuté en 1530, et le plus ancien exemple de carrelage peint en France.

 

LYON. - La fabrication lyonnaise, de style absolument italien, a été longtemps confondus avec celle des manufactures d'Urbino à leur déclin.

 

NIMES. - Des artisans français adoptèrent les procédés et les décors italiens. "Antoine Sigalon", à Nîmes, au milieu du XVIe siècle, fabriquait des aiguières et des pots de pharmacie à décor d'arabesques sur fond alternativement bleu ou jaune, rappelant tout à fait les pièces de Faenza et de Castel-Durante, mais on y voit apparaître des bustes de rois de France.

 

ROUEN. - A Rouen, "Masséot Abaquesne" dirigeait également un atelier et c'est autour de son nom qu'on groupe la première production rouennaise de la Renaissance. Les carrelages d'Ecouen (1542) et de la Batie-d'Urfé (1557) témoignent de son habileté. L'influence italienne s'atténuera peu à peu, à mesure que le goût local s'imposera, pour arriver à la production originale et bien française du XVIIIe siècle.

 

XVIIe et XVIIIe siècles

 

Le grand essor de l'art céramique en France commence avec le XVIIe siècle pour atteindre son apogée au XVIIIe.

 

NEVERS. - La première manufacture de Nevers fut fondée vers la fin du XVIe siècle par des potiers italiens, les "frères Conrade".

A partir de 1632, de nouvelles fabriques s'établirent à Nevers, dont les plus célèbres furent celle de "Barthélemy Bourcier", puis au milieu du XVIIIe siècle celle de "I'Ecce Homo", dirigée par Nicolas Estienne" et de "I'Autruche", dirigée par "Pierre Custode". C'est alors que commence la période originale de Nevers et qu'apparaissent les décors persans et chinois.

A mesure qu'augmente le nombre des artisans français dans les ateliers de Nevers, le goût français se substitue au goût italien.

Le décor dit "Franco-Nivernais" emprunte aux graveurs français contemporains, ses sujets religieux, paysages ou scènes de jeux.

Avec le XVIIIe siècle, Nevers perdit toute originalité dans la copie des faïences de Rouen, puis des porcelaines de Saxe. Sous Louis XVIe on y fabriquait des "faïences au ballon", suscitées par les premiers essais aérostatiques, et pendant la Révolution des "faïences parlantes" assez grossièrement enluminées de motifs patriotiques accompagnés d'inscriptions.

 

ROUEN. - Après la floraison de la Renaissance avec Masséot Abaquesne, il faut atteindre le milieu du XVIIe siècle pour voir de nouveaux ateliers de faïenciers prospérer à Rouen. Le 27 août 1644, Nicolas Poirel, sieur de Grandval, obtenait un privilège de cinquante ans pour faire en Normandie de la "fayence blanche et couverte d'émail de toutes couleurs". Poirel affermait bientôt son privilège à "Edme Poterat".

Edme Poterat installa ses fours à Rouen, rue d'Elbeuf. Il eut deux fils dont l'un, Louis, resta dans l'atelier paternel, tandis que l'autre, Michel, fondait une manufacture rivale à la Croix Bonne-Nouvelle. C'est le nom des Poterat qui est resté attaché à l'histoire de la fabrication rouennaise, mais dès l'expiration de leur privilège, d'autres ateliers s'établirent à Rouen. La fonte de la vaisselle d'or et d'argent, à la suite des guerres ruineuses du règne de Louis XIV, donna une grande impulsion à l'industrie de la faïence en provoquant la commandes d'importants services de luxe ornés d'armoiries. Les plus anciens spécimens de faïences des Poterat, sont encore sous l'influence italienne. Ensuite viennent les imitations de Nevers et des Delft chinois.

A partir du début du XVIIIe siècle, apparaît le style original, bien caractéristique de Rouen, le "décor rayonnant". Il consiste en petits motifs linéaires, lambrequins, cartouches et broderies empruntés aux ornemanistes français de la fin du règne de Louis XIV.

Les "broderies" de Rouen sont de deux sortes : "Broderie sur fond", lorsque l'ornement est tracé en bleu sur émail blanc (Fig), "Broderie en réserve", lorsqu'au contraire c'est le fond qui est peint. Par l'heureuse alternance de ces deux systèmes, les potiers rouennais obtinrent des décorations d'une richesse et d'une variété inépuisable.

La troisième période est caractérisée par un retour au "style chinois". On groupe autour du nom de "Guilli baud", qui travaillait à Rouen vers 1725, les décors les plus originaux. Les ateliers rouennais, vers le milieu du XVIIIe siècle, exécutaient des pièces moulées de grandes dimensions, telles les deux sphères signées de Pierre Chapelle, cheminées, bustes, consoles, ...

A partir de 1750, les céramistes adoptent les motifs du "style rocaille", dont ils encadrent des scènes galantes.

Dans le dernier quart du XVIIIe siècle, l'usage du feu de moufle devint habituel à Rouen et les potiers renonçant peu à peu aux décors qui avaient fait leur renommée, copièrent les produits en vogue de Marseille et de Strasbourg.

Avec la mode des faïences fines anglaises, le déclin de Rouen se précipita et, dès le début du XIXE siècle, l'activité y était à peu près éteinte.

L'influence de Rouen rayonna dans la France entière, gagna la Bretagne (Quimper, Rennes) aussi bien que les Charentes (La Rochelle, Angoulême).

 

SINCENY. - La manufacture de Sinceny (Aisne), fondée en 1733 par Jean-Baptiste Fayard, seigneur de Chauny, fat dirigée par un potier originaire de Rouen, "Dominique Pellevé", qui employa des artisans débauchés des manufactures des Poterat. Sinceny fît du "Rouen chinois" et imita Strasbourg. Les Faïences de Sinceny sont parfois marquées d'un S en bleu ou des lettres S C Y.

 

PARIS. - Au XVIIIe siècle, Paris possédait de nombreux ateliers de potiers. Le nom de "Claude Révérend", qui obtint un privilège pour faire de la faïence hollandaise, ceux de "Digne" et d'"Olivier" établis rue de la Roquette. Les potiers parisiens copièrent les décors rayonnants de Rouen. Olivier fît également des plats et des assiettes naïve ment ornés de représentations des métiers parisiens.

 

MOUSTIERS et SAINT-JEAN-DU-DÉSERT. - En 1679, le potier "Pierre Clérissy" s'établissait à Moustiers, exploitant les gisements de terre plastique de cette région des Alpes, et pendant tout le XVIIIe siècle, les Clérissy se succédèrent de père en fils à la tête des ateliers. La même année, "Joseph Clérissy", frère de Pierre, prenait la direction d'une manufacture de faïence située à Saint-Jean-du-Désert, près de Marseille, et les deux fabrications furent au début tout à fait similaires. A la fin du XVIIe et au début du VIIIe siècle, Moustiers employa le décor en camaïeu bleu. Le fond des grands plats ronds ou ovales porte un large médaillon orné d'une scène de chasse empruntée au graveur Tempesta, ou un sujet religieux extrait des Bibles publiées à la fin du XVIIe siècle.

Plusieurs de ces pièces sont signées de "Gaspard" ou de "François Viry", peintres attitrés des Clérissy à Saint-Jean-du-Désert et à Moustiers.

La faïence de Moustiers se distingue par la légèreté et la finesse de sa pâte sur laquelle l'émail prend un éclat d'autant plus remarquable que les céramistes excellent à le mettre en valeur en préservant de grandes surfaces blanches.

-Après 1710 apparaît le décor dans le "style Bérain" (Fig), succès de Moustiers. Directement adapté des gravures des ornemanistes du règne de Louis XIV, et tracé en camaïeu bleu, ce décor restera en vogue pendant toute la première moitié du XVIIIe siècle. En 1738, le décor polychrome fut introduit à Moustiers par un ancien ouvrier de Clérissy "Joseph Olerys". La fabrication moins soignée à partir de cette date tend à s'industrialiser. Le monogramme de Joseph Plerys est un 0 traversé d'un L. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, "Féraud", tout en conservant le grand feu, les "Fouque" et de "Ferat", qui employèrent le feu de moufle, s'inspirèrent des décors créés par Marseille et Strasbourg. Moustiers, en pleine décadence à la Révolution, conserva cependant quelque activité jusqu'au milieu du XIXE siècle.

L'influence de Moustiers s'étendit à tout le Midi de la France. La manufacture de Lyon fondée par Joseph Combe de Moustiers, celle de Bordeaux, dirigée par Jacques Hustin, les ateliers de Montpellier, Montauban, Ardus, Grenoble et Samadet ont donné de ses décors des interprétations variées.

 

FAIENCES DE PETIT FEU :

 

La recherche d'une polychromie plus vive, le désir de rivaliser avec la porcelaine de Saxe entraînent les manufactures françaises à abandonner le décor au grand feu pour le décor au feu de moufle.

Dès la seconde moitié du XVIIe siècle, l'usage du feu de moufle était assez répandu dans l'Allemagne du sud, à Augsbourg et à Nuremberg où des artisans isolés se chargeaient d'appliquer un décor sur les faïences blanches que leur vendaient les grandes fabriques. Mais en France, la nouvelle technique, déjà connue des potiers de Rouen, ne se généralisera qu'à partir du milieu du XVIIIe siècle. Elle fui introduite à Strasbourg vers 1749, par des peintres sur porcelaine venus de Saxe.

 

MARSEILLE. - La fabrication de la faïence se développa rapidement à Marseille au cours du XVIIIe siècle, favorisée par la présence de gisements de terre à poterie aux portes même de la ville. Vers le milieu du siècle on comptait à Marseille dix fabriques. Au début, Marseille pratiqua le décor au grand feu. Les faïences sorties des fabriques d'"Etienne Héraud", des "Leroy", des "Èauchier", s'inspirent des décors créés par Rouen et Moustiers.

Toutefois, c'est à son décor au feu de moufle que Marseille dut sa réputation,.

La "Veuve Perrin" se distingue par la variété et l'originalité de ses composition. Arnaud d'Agnel ne signale pas moins de onze types de décors sortis de ses ateliers. Parmi les plus pittoresques sont les faïences qui doivent leur décor à la vie même du port de Marseille et s'ornent de trophées, d'engins de pêche, de coquillages et de poissons.

Ses faïences sont souvent marquées de son nom ou d'un monogramme formé de ses initiales V. P. "Honoré Savy", après avoir été associé à la veuve Perrin, dirigea une manufacture personnelle. On lui attribue l'invention du vert de cuivre, vert un peu cru avec lequel il exécute en camaïeu des chinoiseries, des paysages, des scènes galantes ou des fleurs.

Honoré Savy s'étant placé, en 1777, sous la protection de Monsieur, frère du roi, marque ses faïences d'une fleur de lys ou des lettres superposées C. S. "Gaspard Robert" fonda une manufacture à Marseille en 1754. Dès 1759, il obtenait le privilège d'y faire de la porcelaine, et cette nouvelle fabrication a fortement influencé sa faïence.

Les faïences de Robert sont d'une technique recherchée, la pâte en est fine, l'émail blanc très pur, largement dégagé par un décor sobre.

Une autre spécialité de l'atelier est le décor animalier. Gaspard Robert marque en toutes lettres, ou d'un R. "Antoine Bonnefoy" fît son apprentissage chez Robert et sa fabrication, a laissé des camaïeux roses ou de grands paysages polychromes. Il fat l'un des rares céramistes marseillais à adopter le style Louis XVI. Il signe parfois d'un B.

La faïence de Marseille au XVIIIe siècle s'étendit au delà des frontières européennes.

Après une période d'expansion, le déclin fut rapide. Les ateliers fermèrent les uns après les autres, et en 1809, un seul d'entre eux restait en activité.

 

STRASBOURG. - Le Hollandais "Charles-François Hannong", qui depuis 1709 dirigeait une fabrique de pipes en terre, s'associa, en 1721, avec un ouvrier de Meissen, "Jean-Henri Wackenfeld", pour fonder une importante faïencerie à Strasbourg. Quelques années plus tard, il établit une manufacture à Haguenau, d'où il faisait venir sa terre. Pendant trois générations, qui remplissent le XVIIIe siècle, les Hannong gardèrent la direction des deux fabriques.

Sous "Charles-François Hannong", Strasbourg fît des faïences de grand feu, à décor de lambrequins bleus- dans le goût de Delft et de Rouen.

En 1732, "Paul Hannong", é à son père, introduisit le décor polychrome à quatre couleurs de grand feu. A partir de 1740, Paul dirigea seul la manufacture dont l'essor commence avec l'emploi du feu de moufle.

La première fabrication de Strasbourg est sous l'influence allemande, surtout dans les pièces aux formes contournées, dites "en baroc" (Fig), dont les bords et les ornements en relief sont rehaussés de hachures rouges, vertes ou bleues. Le sculpteur "Lanz", qui travaillait à Strasbourg vers 1750, en a fourni les modèles.

véritable décor de Strasbourg, ce sont les fleurs.

On en distingue deux sortes : les "fleurs des Indes" et les "fleurs naturelles" ou "fleurs de Strasbourg".

De 1745 à 1760, le décor dit "fleurs des Indes" se compose de petites branches chargées de fleurettes de type oriental. Après 1760, un bouquet, dont le centre est une grosse fleur rouge à multiples pétales, remplace la branche.

Les décors de fleurs naturelles apparaissent vers 1760, amenés d'Allemagne par les peintres de porcelaine de Saxe qui vinrent travailler à Strasbourg et parmi lesquels se trouvait "Frédéric de Loewenfïnck", peintre attitré de la manufacture de Paul Hannong. Celui-ci réussit à faire de la porcelaine, mais la manufacture de Vincennes lui ayant opposé son privilège, ü dut quitter Strasbourg en 1 transporter sa fabrication à Frankental.

 

A partir de 1760, Joseph Hannong réorganisa les ateliers, introduisit un système de numérotage des pièces et, en 1771, fît imprimer le "Prix Marchand".

Dans les pièces de belle qualité, les "fleurs fines" (Fig. 3 ) sont modelées par de fines hachures dégradées.

Dans les fleurs dites "fleurs chatironnées" (Fig), chaque pétale nettement cerné d'un trait noir est rempli sommairement de pourpre.

 

Au temps de Joseph Hannong, le goût français s'impose définitivement dans les formes d'un Louis XV plus dur, comme dans les décors. De 1750 à 1780, les fleurs naturelles restent le grand succès de la faïence de Strasbourg.

A l'inverse des Marseillais, ce sont les fleurs riches, roses, pivoines, œillets, et iris, que choisissent les peintres strasbourgeois. L'opposition constante des deux couleurs complémentaires, le rouge-pourpre de assius extrait de l'or et le vert de cuivre exalte la blancheur de l'émail.

Après avoir donné à la manufacture strasbourgeoise un magnifique essor, Joseph Hannong se ruina en voulant fabriquer de la porcelaine.

Les faïences de Strasbourg sont marquées d'un monogramme formé successivement des initiales de Paul, puis de Joseph Hannong.

 

Strasbourg eut une influence considérable, et des fours s'allumèrent en Lorraine et dans tout l'Est de la France. Lunéville, Saint-Clément, Bellevue, Toul et Les Islettes possédèrent également des fabriques de faïences.

L'influence de Strasbourg s'étend en Suisse (Zurich, Berne), jusqu'en Hongrie (Holistsch) et dans les pays du Nord. Copenhague, où Joseph Hannong fit un court séjour, Marieberg et Rorstrand, près de Stockholm, possédaient des fabriques très prospères à la fin du siècle.

 

TIEDERVILLER. - C'est un strasbourgeois, le "baron de Béerai", qui reprit en 1748 la faïencerie de Niederviller où il amena des ouvriers des Hannong. Le peintre "Michel Anstett" fut engagé successivement dans les deux fabriques.

Les produits de Niederviller sont réputés pour leur finesse et l'élégance de leurs formes inspirées de l'orfèvrerie. Le paysage prend une grande importance à Niederviller; il y est traité en camaïeu rose ou violet.

Après 1771, sous la direction du "Comte de Custine", la production devient moins artistique. Niederviller, de même que Lunéville, Saint-Clément et Bellevue, dut un grand succès à ses statuettes imitées des porcelaines de Saxe.

Les marques les plus fréquentes sont les lettres B. N. ou A- N. (Anstett-Niederviller), sous la direction de Beyerlé, et deux C entrelacés au temps de Custine.

 

APREY. - Une faïencerie fut établie à Aprey (Haute-Marne) vers 1744, par "Jacques Lallemant de Villehaut" et dirigée, à partir de 1769, par un céramiste de Nevers "Jacques Ollivier". Après avoir fait de la faïence au grand feu, Aprey, à partir de 1761, adopta le feu de moufle et tout en s'inspirant des grandes manufactures réussit à créer des décors originaux.

 

On distingue deux groupes dans les faïences d'Aprey. Les premières décorées de fleurs et de fruits, traités avec des couleurs vives, épaisses et ayant tendance à couler à la cuisson. Les secondes peintes avec beaucoup de finesse, dans une gamme où domine le rose.

Suivant un mode de décor propre aux céramistes d'Aprey, les fonds imitèrent des étoffes rayées.

Les pièces sont souvent marquées du mot Aprey en entier ou de ses premières lettres.

 

SCEAUY- - La première fabrique de Sceaux ne fut fondée qu'en 1725 par l'architecte "de Bey", qui prit pour collaborateur le chimiste "Jacques Chapelle". A partir de 1772, le sculpteur "Richard Glot" dirigea la manufacture qui était alors sous la protection du duc de Penthièvre, d'où la marque S. P. accompagnée ou non de l'ancre. Plus tard le mot "Sceaux" est imprimé à la vignette.

Jacques Chapelle fabriqua d'abord de la porcelaine, plus une faïence très fine et très légère dite "faïence jalonnée". Sceaux adopta les formes Louis XVI.

 

Pendant la majeure partie du XVIIIe siècle, la faïence française, parallèlement à celle de Delft, s'imposa à toute l'Europe et fut partout imitée.

Les céramistes français portaient à son apogée l'art de la f2Cience peinte, les Allemands se consacraient déjà à la fabrication de la porcelaine dure qui fera leur gloire, et en Angleterre apparaissent un produit céramique nouveau, qui sera celui du XIXE siècle "la faïence fine"'

A mesure que s'établissent en France des fabriques de f2Ciences fines, les fours s'éteignent les uns après les autres à Rouen, à Marseille et à Strasbourg.

Enfin le traité de commerce signé par Louis XVI en 1786, en favorisant l'importation des faïences fines anglaises, achèvera la ruine de l'industrie céramique en France.

 

XIXE siècle -

 

SAINT-AMAND-LES-EAUX. - Si la faïence n'est plus qu'une activité secondaire à côté de la porcelaine tendre, jusqu'en 1880, tous les fabricants la poursuivent. Le plus connu est Bettignies.

 

VRON (Picardie). - Au début du siècle, malgré son origine flamande, Verlingue, le patron de la faïencerie de Vron, est le maire de la commune. Son gendre, Jean-François Delahodde, lui succède en 1810 mais continue le répertoire inauguré par son beau-père. Un peu plus tard, et jusqu'à la disparition de la fabrique en 1850, la "veuve Delahodde" exprime sa fidélité en maintenant la même inspiration, avec l'aide de son ouvrier peintre, Stroffe. Rarement la légende napoléonienne a eu des imagiers aussi sincères. Vron fabrique toutes les pièces habituelles et beaucoup de pot à tabac.

 

LUNEVILLE. - Au bord de la Meuse, ou non loin sur la Vezouse, se trouve la faïencerie de Lunéville, créée au XVIIIe siècle. A partir de 1812 et pour tout le siècle, Lunéville aura la raison sociale de "Keller et Guérin", beau-père et gendre.

Avant 1820, les fleurs s'inspirent des roses des porcelaines Louis XVI. Quant au coq, avant de se répandre dans toute la France, c'est un peu la spécialité de Lunéville.

 

SAINT-CLEMENT. - La faïencerie de Saint-Clément est une succursale de Lunéville, et l'affaire est divisée entre plusieurs sociétaires. Parmi ceux-ci se trouve une famille Thomas, assez adroite pour racheter les parts et être seule propriétaire en 1863.

Dans la seconde moitié du siècle, les formes Louis XV sont copiées à Saint-Clément, avec des pièces très contournées - dont le décor polychrome cherche à imiter le vieux Strasbourg.

 

ÉPINAL. - A Epinal, deux fabriques -. celle de Vautrin, jusqu'en 1835; celle de Boulay, jusqu'en 1841. On fait surtout des assiettes à la forme crantée ou godronnée. Au centre, plusieurs thèmes reviennent sans cesse : l'œillet violet, les brindilles bleues ou polychromes, une petite maison entourée d'arbres, parfois un oiseau ou un coq, une rosace ou une fleur.

 

LES ISLETTES. - Cette fabrique a attendu le XIXE siècle pour jeter tous ses feux mais comble son retard en gardant un esprit XVIIIe. Entreprise familiale, cette faïencerie située près des Islettes, au bois d'Epanse ou "bois l'Espérance". En 1800, à la mort du propriétaire François Bernard, sa veuve reprend l'affaire. Elle est aidée par son fils, Jacques-Henri. En réalité, c'est bientôt la bru, Marie Parfaite, femme artiste et intelligente, qui mène tout le monde; à partit de 1823, devenue veuve, elle dirige plus effectivement, et ce, jusqu'à sa mort, en 1836. Sa disparition entraîne l'indivision, puis la vente aux Godechal, en 1840, c'est le glas; la fabrique ferme en 1848.

Aux Islettes on retrouve les cruches "Bacchus", des statuettes, ou des écritoires. Mais la fabrique brille surtout dans toute la vaisselle de table, en particulier ces plats ronds, larges de trente centimètres.

La maison a su s'attacher de nombreux et très bons ouvriers. Dupré père qui active ses pinceaux jusqu'en 1825. La légende napoléonienne le séduit. Copiés sur les images d'Epinal, les décors font caracoler hussards et dragons, revivre les exploits ou les galanteries gaillardes de la Grande Armée.

Le fils Dupré a la spécialité des scènes d'une vie familiale et paisible, jours de noces et de fiançailles.

La fabrique fait autant de pièces soignées que d'objets rustiques. Le décor patriotique a toute la faveur, souligné d'inscriptions vert pâle et noir. Sous l'Empire, voici l'aigle couronné; la Restauration est marquée par trois lys ou une fleur de lys entre deux branches de laurier; enfin la Monarchie de Juillet fait naître les coqs et les drapeaux tricolores.

 

FAÏENCERIES DE L'ARGONNE :

 

WALY et LAVO'YE. - A l'ombre de la faïencerie des Islettes se trouvent deux villages, Waly et Lavoye, dont la production présente une grande parenté. Les fabriques du XVIIIe siècle survivent au XIXE. A Waly, deux ateliers, l'un exploité jusqu'en 1860 mais ne connaît plus de décor après 1850; quant à Lavoye, la dernière faïencerie fermera en 1848. Les pièces sont très rustiques, plus solides que celles de terre vernissée.

 

AUXERRE. -Jusqu'en 1821, la faïencerie des "Capucins" poursuit son activité avec la fabrique Montenot où travaille un peintre, Jean-Baptiste Ergot. Sur un émail blanc, des petits paysages en camaïeu bleu, avec un entourage polychrome de fleurs, fruits, ou amours ; -cœur percé d'une flèche, ou amour tirant à l'arc -. Autre motif, le coq perché sur une branche.

 

PARIS. - La ville possède une longue tradition de faïenciers qui n'est pas complètement éteinte au XIXE. Ceux qui subsistent ont toujours leur siège, rue de la Roquette.

 

GOINCOURT (Oise). - La fabrique, fondée à la fin du XVIIIe siècle par des ouvriers italiens, a pris le nom de "l'italienne". Sous l'Empire, on y fait des statuettes pieuses; après 1810, on y fabrique toute la vaisselle d'usage : des pichets Bacchus ou des pièces ornées de devises, à l'aide d'un pochoir.

 

SAINT-PAUL (Oise). - Encore en activité en 1830. La proximité du Nord se fait sentir, on trouve beaucoup de carreaux peints, représentant des personnages à leur métier dans un encadrement, accompagnés fréquemment d'un inscription.

 

TOURS. - Plusieurs fabriques au XIXE siècle, parmi lesquelles Massé, Guillemot Epron, Bournais.

Ce sont surtout les "cailloux" de Touraine qui ont un grand renom, ces pièces à l'extérieur marron foncé, à l'intérieur souvent gaiement coloré. Souvent marqués en creux, le nom du fabricant et la mention "Tours".

 

ROUEN. - Vers 1837, c'est un des principaux centre de faïence commune en France. Ce qui n'empêchera pas, dix ans plus tard, la plus importante fabrique de la ville, celle d'Amédée Lambert, successeur de Levasseur, de fermer ses portes. Un autre fabricant est Delavigne. Les pièces subissent d'abord l'inspiration rouennaise, après 1830, les objets sont plus rustiques: ce sont des plats, vases de jardin ou jattes de laiterie, émaillées vert.

 

MALICORNE (Le Maine). - La faïence est une vieille activité de ce bourg. Les fabricants s'installent au quartier de Menneville; parmi les plus importants, Loiseau, Rabigot et surtout Laumonnier qui travaille pendant tout le siècle. Malicorne dépasse la vaisselle courante pour faire des objets religieux, des objets décoratifs. Au début du siècle on trouve des effets de marbrés, puis les faïenciers se contentent d'un décor au pochoir. Vers 1840, les objets de la vie quotidienne sont seulement couverts d'un émail violâtre jaspé. A partir de 1860, pour les objets décoratifs, Malicorne se met à imiter les formes de corbeilles tressées inaugurées par Langeais.

 

QUIMPER. - Les deux potiers de Quimper, Héloury et La Hubaudière, sont surtout des faïenciers; le dernier ne peut agir autrement; n'est-ce pas un aïeul de sa famille, Pierre-Paul Caussy, qui, au XVIIIe siècle, a écrit un Traité de l'art de la Faïence. Ce genre sera la bonne fortune de la maison pendant tout le XIX siècle, même en 1872 lorsque Fougeray aura succédé à la Hubaudière. La maison concurrente, l'ancienne fabrique Héloury, devenue Héloury-Porquier en 1843, suit le même chemin. Après 1873 les nouveaux associés sont Porquier-Beau.

Les Bretons n'éprouvent pas le désir de modifier leurs pièces d'usage : avec une anse, voici le bol à cidre; avec deux, voilà l'écuelle. Le coq, inspiré, de celui de Lunéville, a beaucoup plus de rigueur, de sagesse que son confrère de l'Est.

Après 1870, Beau lance les paysages ou les scènes pittoresques de la vie bretonne. Des pièces décoratives, bouquetières ou fontaines, copient les anciens Rouen.

NANTES. - Derivas fabrique des pots à cidre ou des statuettes pieuses. Au XIXE siècle, les gourdes sont le plus souvent circulaires, avec quatre anneaux de suspension. A Nantes, un cerne bleu souligne la forme. Le décor, des personnages et le nom du possesseur, ou une branche stylisée, "le fleuri Nantais".

 

BORDEAUX. - A Bordeaux, la faïence commune est poursuivie jusqu'en 1850 : Boyer fermera cette année-là, tandis que Bardon, successeur du fabricant Rougé, a abandonné dès 1841. Une autre fabrique est celle de la veuve Létourneau. A partir de 1840, on ne fait que des pièces unies. Mais, auparavant, Bordeaux partage avec Nantes et, d'une façon plus restreinte, avec Lyon, les spécialités des gourdes compagnonniques.

 

AUVILLAR. - La fabrication se poursuit jusqu'en 1875, grâce à une douzaine de petites fabriques; celle de Ducros passe en 1844 à Castex et ferme en 1875. Celle de Landevert est achetée par Pomaderi en 1820. Sur une pâte jaune-rouge, le décor , fleurs ou ciseaux, est toujours touffu.

 

TOULOUSE. - Pendant la Révolution, un faïencier d'Apt, Joseph Fouque, doit s'exiler pour des raisons politiques. Le voici place Saint-Sernin à Toulouse, avec son beau-père, Jean-Barthélemy Moulin. En 1813, la fabrique devient Fouque-Arnoux : le faïencier a marié sa fille et le gendre est entré dans l'affaire à laquelle participent également deux neveux. En 1835, La fabrique est transférée à l'annexe voisine de Saint-Gaudens. Les fabricants se flattent d'exécuter "tout ce qui peut être fait avec de l'argile". Pour les pots à pharmacie, les numéros de maisons et la vaisselle courante, on adopte la faïence commune et, fait rare, le décor n'est pas toujours peint, mais imprimé.

 

PÉRIGUEUX - En activité jusque dans la seconde moitié du XIXe siècle. Pour les foies gras de Dordogne, des terrines en forme d'oie sont blanches pour les plumes et jaunes pour le bec et les pattes.

 

NEVERS. - Les faïences décorées de la petite ville du Centre ont encore beaucoup de succès non seulement dans le Massif Central mais à Paris. Elles descendent même jusqu'à Nantes lorsque les bateliers de la Loire vont chercher leurs cargaisons de sel aux pays d'Ouest. Elle a un tel renom que la faïence commune prend le nom de "faïence de Nevers". Les fabricants seront très nombreux au début du siècle, Denfert, Philippe Dubois, Bourcier, et Pierre Senly dont il sera question pendant près de cinquante ans. Lyons aura un important atelier. Vers 1850, apparaissent Pitié et Ristori : cet Italien, comme ses compatriotes du XVIe siècle, a décidé de tenter fortune à Nevers et, sans complexe, espère bien "relever l'ancien éclat de la ville dans la faïence de luxe ! " En 1860, voici les fabriques de François Leblanc, Signoret; vers 1875, apparaissent celles de Montagnon et d'Hiver.

Les grands saladiers et les assiettes à calotte sont prétexte aux meilleurs décors. Si quelques objets communs, vases à fleurs, sont simplement émaillés de couleur verte, les pièces décorées polychrome ou plus rarement en camaïeu bleu gardent toute leur faveur. Au XIXE siècle, le grand succès de Nevers sera toujours la faïence parlante. Au début du siècle, des petits saladiers reflètent les coutumes : "L'arbre d'Amour" ou le paysage typique du pont sur la Loire avec les bateaux.

Après 1850, les faïences de Nevers se perpétuent en s'adaptant au goût du jour. De nombreux fabricants essaient de recopier les Nevers anciens. Ristori, dans l'atelier d'essai qu'il a ouvert à Marzy, fait des pièces découpées à jours; signoret compose de grands plats entièrement peints de scènes mythologiques; Montagnon s'inspire du XVIIIe siècle et de la Renaissance.

 

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