IV.1 La Chine.

 

Tandis que le Proche-Orient excelle dans les faïences et les émaux, les pâtes dures (porcelaines et grès) sont le triomphe de l'Extrême-Orient.

C'est de Chine qu'est originaire la porcelaine dont la blancheur et la pureté comme le nom évoquent la coquille nacrée " porcellana ". Ses premiers essais sont considérés comme antérieurs à la dynastie des Song (Xe siècle) et son emploi se généralise dès le XVe siècle.

Les deux éléments qui entrent dans la composition de la porcelaine chinoise sont le " Kao-lin ", connu à l'époque de la dynastie Han, et le " pai-tun-tzu " (petunsé), variété de feldspath connu qu'en 850. Les chinois nomment le premier " le squelette ", le second " la chair " de la céramique.

 

IV.1.1 POTERIES PRIMITIVES :

 

Les plus anciennes séries de poteries chinoises ont été livrées par les fouilles du Ho-nan et du Kan-sou, dans la vallée du fleuve Jaune. Elles ne remontent pas au-delà de l'époque néolithique récente (- 2500 ans av. J-C) et les pièces à décor peint s'apparentent aux céramiques de l'Asie Occidentale.

A partir de l'époque " Tchéou " (1100 - 300 av. J-C) l'influence des beaux bronzes est prépondérante et persistera pendant la période prospère qui correspond à l'empire des Han.

Les poteries " Han " (206 av. J-C, 220 après) les plus caractéristiques sont ornées de motifs moulés en relief : scènes de chasse, oiseaux, dragons, directement empruntés aux bronzes. L'émail qui les recouvre, volontiers irisé par le séjour dans le sol, prend sur la terre rougeâtre une tonalité verte ou jaune.

Avec la dynastie des " Tang " (Vlle au X siècle) on voit apparaître les premiers essais de polychromie. Le pourpre, le jaune, le blanc, se joignent au vert des Han. Les émaux sont juxtaposés en dessins réguliers que délimite un léger sillon évitant leur mélange ou ils se fondent au contraire en longues traînées et en marbrures d'un bel effet décoratif.

Les tombeaux ont livré, en outre, nombre de ces statuettes qui devaient accompagner le mort dans sa vie future : chanteuses, musiciennes, que leur grâce féminine à fait comparer aux " Tanagra " grecques.

 

IV.1.2 ÉPOOUE SONG (960 - 1279) :

 

C'est au Xe siècle que commence le grand essor de la céramique chinoise. Les fabriques se multiplient et la production abondante prend une extrême variété. La céramique des Song est faite d'une terre kaolinique, bientôt cuite à haute température et presqu'entièrement vitrifiée. L'émail épais, est d'une qualité rare et d'un raffinement de couleur.

L'époque Song est par excellence celle des monochromes et déjà se constituent les principales variétés dont la fabrication se poursuivra aux époques suivantes. Ce sont :

" Les Blancs ", spécialité de la fabrique de Tingtchéou, dans la province de Hopei, transférée à partir de 1127 à King-tô-tchen. L'ornementation consiste en motifs floraux, branches, lys, pivoines, lotus finement gravés dans la pâte ou moulés en léger relief " Les Céladons ", fabriqués principalement à Longts'iuan dans la province du Chehiang, céramiques lourdes, à décor gravé ou moulé, recouvertes d'un émail uni ou craquelé de couleur indéfinissable, dans la gamme des verts bleutés ou grisâtres. Cet émail atteint une égalité de ton due à l'application minutieuse de neuf couches superposées. La vogue des " Céladons " a suscité de nombreuses imitations et leur fabrication se poursuit jusqu'au XVIIIe siècle. Très appréciés en France, c'est alors qu'ils reçurent par analogie de couleur avec les rubans verts de " Céladon " héros de l'Astrée, le nom sous lequel on les désigne encore aujourd'hui.

Les " Flammés " de Tchun-tchéou : pièces aux formes simples, sans aucun ornement, doivent leur beauté aux somptueuses glaçures qui les recouvrent. 12émail gras, se marbre de couleurs, du violet bleu sombre à traînées rouges, au bleu de ciel et au mauve strié de rose. " Les Bruns " et " les Noirs " de Kien-Yang : petites coupes coniques, bols à thé propre à la fabrication Song, sont dits " Fourrure de lièvre " ou " (Oeil de perdrix " en raison de leur émail luisant, brun foncé ou noir finement strié de brun doré.

Ils ont été collectionnés par les Japonais qui les imitèrent dans les " Temmoku " de Seto. En 1280, la dynastie Song est renversée par les Mongols, et ce bouleversement contribue à modifier considérablement les styles de la porcelaine.

 

IV.1.3 ÉPOQUE MING (1368 - l664) :

 

Après l'expulsion de l'envahisseur mongol, la puissante dynastie des Ming s'établit pour trois siècles. L'âge d'or de la porcelaine commence. Appliquée aux usages les plus divers, statuaire, décor architectonique, mobilier, elle prend un essor prodigieux.

Le principal centre de production est la " Manufacture impériale de King-tô-tchen ", située sur le lac PoYang près de Nankin. Son activité éclipse les vieilles fabriques Song.

Le style d'une belle ampleur décorative au XVe siècle, évolue au XVIe siècle vers une manière plus recherchée. Les formes simples semblent créées en vue de recevoir le plus somptueux des décors. Le goût des émaux multicolores succède à celui des monochromes, et du XIVE au XVIIe la palette ne cesse de s'enrichir.

Les "pièces à décor peint " sont les plus caractéristiques. Au XVe siècle, les couleurs appliquées directement sur la terre crue s'incorporent pendant la cuisson à la couverte. La première couleur sous couverte est le "Bleu musulman" (oxyde de cobalt), importé d'Asie Occidentale, valait trois fois son poids d'or et on le réservait aux commandes impériales.

Au XVIe siècle, le goût de la polychromie se développe dans la série désignée, sous le nom de "Trois Couleurs ". Les couleurs dominantes sont le jaune, le vert et le violet aubergine appliqués sous couverte.

Puis la technique se complique dans les pièces dites "Cinq Couleurs " surdécorées à l'aide d'émaux posés sur la couverte après la cuisson. Ces émaux qui doivent être fixés par une cuisson supplémentaire, gardent un relief sensible au toucher. D'abord employés pour rehausser les décors bleus, ils prennent de plus en plus d'importance.

Les émaux rouge corail, ou rouge de fer dont l'usage se généralise, ont fait désigner la " Famille Rouge " un groupe de pièces de la fin de la période Ming.

On continue, d'autre part, la fabrication des " monochromes " Song auxquels le XVe et le XVIe siècles ajoutent le décor en " glaçures de diverses couleurs ". (Fig)Les émaux appliqués séparément sont retenus par de minces filets d'argile qui cernent le dessin à la manière d'un cloisonnage. Ce procédé est le plus généralement employé dans la statuaire ou dans la décoration architecturale.

 

IV.1.4 EPOOUE TSING (1662-1795) :

 

K'ANG-HI (1662 -1722) - YONG-TCHENG (1723 1736) et KIEN-LONG (1736 -1795).

Le règne des grands souverains de la dynastie mandchoue des Tsing marque l'apogée de la porcelaine chinoise au début du XVIIIe siècle.

La fabrication prend alors un développement considérable dû en partie aux échanges commerciaux avec l'Occident et à la passion grandissante de l'Europe pour les produits extrême-orientaux. Tandis que les grandes manufactures de Hollande et de France, Delft, Nevers, Rouen, copient les décors chinois, la Chine de son côté n'est pas sans subir l'influence de la culture européenne que lui apportent les jésuites. Au milieu du XVIIIe siècle, pour subvenir aux commandes des comptoirs européens, d'innombrables articles, assiettes à sujet religieux désignés sous le nom de "porcelaine des jésuites", ou services à armoiries, étaient hâtivement décorées d'après des modèles occidentaux, à Canton même, port d'exportation de la Chine.

La manufacture impériale de King-tô-tchen poursuit sa brillante carrière.

 

PIÈCES SANS DÉCOR PEINT. - Les monochromes jouissent à nouveau d'une grande vogue. La fabrique de To-houa, dans le Fou-kien, fondée sous les Ming et encore en activité de nos jours, atteint une perfection inégalable dans la fabrication des fameux "Blancs de Chine".

Une autre fabrication, dont le début remonte également aux Ming, est celle des "Grès de Yi-hing", désignés sous le nom de "Boccaro" par les Portugais, qui les importèrent en Europe. Non recouverts d'émail, ils doivent à la variété même des terres employées une polychromie variant du brun noir au marron et au jaune chamois.

La gamme colorée des flammés s'enrichit sensiblement, des verts pomme au céladon, du rouge "Sang de Bœuf" que les Chinois appellent "Foie de Cheval".

Les potiers obtiennent des effets pointillés ou marbrés en soufflant une couleur sur un fond de ton opposé.

 

PIÈCES A DÉCOR PEINT. - Comme sous les Ming, il faut distinguer les "Bleus et Blancs" et les décors polychromes.

Un petit groupe très particulier est celui des vases à décor de fleurs de prunier blanches sur fond bleu craquelé. Ces vases, symboliques du printemps, passent pour destinés à être offerts en présents le premier jour de l'année, qui, en Chine, commençait au printemps.

Beaucoup plus originale et variée est la catégorie des céramiques à "décor peint polychrome". Les pièces de grand feu doivent un éclat remarquable à l'emploi des rouges de cuivre nouvellement découverts et variant du rouge rubis au brun rouge.

Dans une autre série de pièces, le décor est obtenu à l'aide d'émaux fixés sur le biscuit par une seconde cuisson.

La "Famille Verte", pendant le règne de K'ang-hi, devient populaire dans toute l'Europe. L'ornementation consiste en arabesque de fleurs et de feuilles, aux quelles se mêlent des oiseaux ou des personnages placés sur un fond de paysages divers.

La "Famille Noire" est caractérisée par des décors verts translucides sur fond marron foncé.

La "Famille Rose", que les chinois appellent " couleurs tendres ", succède, dans le premier quart du XVIIIe siècle, à la "Famille Verte", et témoigne d'un goût nouveau.

Le décor se complique de surcharges inutiles, sous le règne de Ch'ien Lung, le maniérisme s'accentue dans les porcelaine dites " Coquilles d'œuf" qui sont principalement des tasses, des soucoupes et des assiettes décorées à Canton pour l'exportation.

Avec la fin du XVIIIe siècle, les procédés techniques atteignent une variété extrême : dessins modelés, décors transparents ou "dentelle", décors ajourés ou "Grain de riz", imitations de matières diverses, bronzes anciens, nacre, et jade.

Les chinois font des prodiges d'habileté, mais, par l'oubli des lois de l'art céramique et des exigences de la matière, acheminent la porcelaine vers son déclin. La production du XIXE siècle répète les modèles anciens. Les fours s'éteignent peu à peu à King-tôtchen. Alors qu'à la fin du règne de Kang-hi, le Père d'Entrecolles, missionnaire jésuite, estimait leur nombre à 3000, il n'en subsistait que 500 en 1837 et l'activité y est aujourd'hui à peu près éteinte.

 

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