VII.2.1 LA FAÏENCE : MOYEN AGE, ET RENAISSANCE.
L'art de la poterie, en Allemagne comme en France et dans tous les pays européens, avait pris un grand développement à la fin du moyen âge. On y fabriquait de manière courante des poêles monumentaux composés de carreaux à décor moulé en relief et recouverts de vernis bruns ou verts, puis d'émaux polychromes. Ces poêles, ainsi que toute vaisselle émaillée, furent longtemps attribués au fameux potier de Nuremberg "Adrien Hirschvogel", alors qu'en réalité leur usage dut se généraliser dans toute l'Allemagne et se poursuivit bien au delà de la renaissance. A partir du milieu du XVIe siècle, sous l'influence italienne, la technique de la faïence peinte se répandit peu à peu.
VII.2.2 LE GRÈS : MOYEN AGE ET RENAISSANCE.
La céramique de l'Allemagne, son véritable art national, c'est le grès. Les grès allemands ne sont pas des pièces décoratives , mais des objets d'usage adaptés à un besoin local, faits pour boire la bière. Ils resteront réfractaires à toute influence italienne, de là leur origine proprement germanique. On fabriquait des grès grossiers en Allemagne dès le haut moyen âge, mais à la fin du XVe siècle le procédé se perfectionne par l'invention du vernis salin. Quand le four a atteint sa plus haute température, on jette du sel marin par une ouverture pratiquée dans sa voûte, et le sodium en se combinant avec la silice de l'argile produit un mince enduit luisant sur la surface des pièces. Méprisés au XVIIIe siècle, ces grès furent remis en honneur au siècle dernier, par les grands collectionneurs flamands, et désignés à tort sous le nom de grès flamands. Von Falke a démontré que leur fabrication s'est développée dans la région rhénane, depuis Cologne au nord, jusqu'à Coblentz au sud.
SIEGBURG : Siegburg dispute à Cologne la priorité dans la fabrication des grès. Dès la fin du XVe siècle, les potiers s'étaient réunis en une corporation régie par d'étroits règlements et absolument fermée aux étrangers à la ville. Le métier se trouvait accaparé par un petit nombre de familles, les "Knutgen", les "Flach", les "Symons", où il passait d'une génération à la suivante. Le secret des potiers de Siegburg résidait
dans la matière même employée. Argile locale, très
pure, restant blanche à la cuisson, ce qui rend inutile l'usage
des couvertes foncées. Les grès de Siegburg sont sans couverte
ou simplement vernis au sel. Le type habituel du grès de Siegburg
est la canette en forme de tronc de cône allongé et fermée
par un couvercle de métal (Fig).
COLOGNE - FRECHEN : Des fouilles récentes ont révélé l'existence d'importantes fabriques à Cologne même, dans la Maximinenstrasse et dans la Komödienstrasse, puis à Frechen, banlieue de Cologne. Les grès de Cologne et de Frechen, facilement confondus, sont faits d'une terre grossière, grisâtre, recouverte d'un vernis salin dont la couleur varie du brun-noisette à un brun assez foncé. Ces grès sont monochromes; parfois cependant des taches bleues apparaissent sur les grès de Frechen. Le décor moulé en léger relief consiste, sur les pièces les plus anciennes, en branches de chêne ou de rosier d'un naturalisme encore gothique. Ensuite viennent les mascarons, les armoiries, ou les sujets empruntés le plus souvent aux gravures d'Aldegrever. La belle époque des grès de Cologne-Frechen est le XVIe siècle. La production se prolongera jusqu'au VIIIe siècle, mais en perdant tout caractère d'art.
RAEREN : La fabrication de Raeren (près d'Aix-la-Chapelle) s'apparente d'abord à celle de Cologne par l'emploi de vernis bruns. Parmi ses plus célèbres potiers, il faut citer "Jan Emens" et son émule "Balden Mennicken" qui travaillaient dans la seconde moitié du XVIe siècle. Vers 1585, les potiers de Raeren remplacèrent le vernis brun par un vernis bleu couvrant en partie la terre grise du fond. Cette nouvelle technique, importée dans le Westerwald, devait y prendre un grand développement.
WESTERWALD : Au XVIIe siècle, les centres de production se déplacent vers le sud. Des potiers de Siegburg et de Raeren s'établissent sur la rive droite du Rhin, dans le Westerwald, et de nombreux ateliers se groupent autour des principales localités de "Grenzhausen", "Grenzau", "Hoehr". Le grès du Westerwald est un grès gris recouvert d'une épaisse couverte bleue rehaussée de violet de manganèse. Les potiers renoncent peu à peu à la décoration plastique imitée de Raeren, pour adopter un style ornemental.
KREUSSEN : Plusieurs foyers existaient en Saxe et en Bavière dont la production est attribuée à Kreussen. Les grès dits de Kreussen sont faits d'une terre très ferrugineuse, tournant au rouge à la cuisson, ce qui obligeait les potiers à employer un vernis brun foncé. Les vases portent des figures en relief rehaussées d'émaux aux couleurs vives, fixés sur la couverte par une seconde cuisson. Les sujets religieux, allégoriques ou empruntés à la vie du temps s'accompagnent d'inscriptions, dictons ou proverbes incitant presque toujours les convives à boire.
VII.2.3 PORCELAINE DURE :
MEISSEN : Lorsque, en 1694, le roi de Pologne Frédéric Auguste Il se voit octroyer le titre d'électeur de Saxe, il demande à son conseiller financier E. W. von Tschirnhaus de lui rédiger un rapport sur les richesses du sous-sol de la Saxe. Dès 1704, Tschirnhaus bénéficiant de l'assistance d'un jeune alchimiste "Frédéric Böttger", aurait découvert en 1709 à Aue (Saxe) des gisements de kaolin qui lui permirent de fabriquer, pour la première fois en Europe, une porcelaine dure semblable à celle des chinois. Elle contenait de l'albâtre à la place de "petunsé", conférant ainsi à la pâte une couleur opaque. Sur l'ordre de Frédéric-Auguste, une manufacture fut fondée aussitôt dans la forteresse même d'Albrechtsberg à Meissen et toutes précautions prises pour empêcher la divulgation des procédés et conserver jalousement la matière première. Tschirnhaus meurt en 1708; la manufacture de porcelaine "rouge et blanche" est fondée seulement deux ans plus tard; aussi le mérite en est-il généralement attribué à Böttger. Böttger resta à la tête de l'établissement jusqu'à sa mort en 1719. Après avoir fabriqué avec l'argile ferrugineuse d'Okrilla des grès rouges, bruns et grisâtres, imitant ceux de Yi-Hing, il composa une porcelaine blanche à base de kaolin et à couverte calcaire dont il présenta les premiers spécimens au roi en 1710. Les artisans de Meissen acquirent une très rapide maîtrise dans l'emploi de techniques telles que les décors de motifs ornementaux ou de branches naturalistes en relief, les découpures dans la paroi extérieure de vases à double fond, ou les peintures en or et en argent. La grande époque de la manufacture de Meissen est celle qui correspond à la direction de "Hérold" (1719-1740). En 1720, Stölzel, ouvrier aux fours de Meissen, qu'il avait provisoirement quittés, revient de Vienne en compagnie du jeune et brillant peintre J. G. Höroldt. Les fleurs et les insectes raides et lourdement cernés dans le "Saxe ombré" du début, deviendront bientôt, avec les animaux et les oiseaux, les motifs favoris des peintres comme des modeleurs de Meissen. La peinture sur porcelaine atteint son apogée dans les vues maritimes, les scènes de chasse, les sujets galants, empruntés à Watteau. A partir de 1735, c'est au contraire l'ornementation plastique qui domine; les motifs peints, fleurs, oiseaux ou paysages se superposent à des fines gaufrures dans la pâte. Les formes d'un rococo exubérant se surchargent d'ornements et de figures en haut relief. Le premier sculpteur engagé par la fabrique est J. G. Kirchner de Dresde qui travaille à deux reprises de 1727 à 1728, puis de 1730 à 1733, au modelage de grands animaux et de vases. Il est remplacé dès 1731 par un sculpteur plus célèbre "Joachim J. Kändler", attaché à la fabrique de Meissen à laquelle il se consacra pendant quarante-quatre ans, fit des pièces colossales telles que les animaux du palais japonais de Dresde. En 1733, Auguste III succède à son père Auguste le Fort et confie la direction de la fabrique à son Premier ministre, le comte Heinrich von Brühl. Comme le souverain montre une nette préférence pour la peinture , il demande à Kändler d'orienter son activité vers les objets de table décorés de hauts-reliefs et de figures modelées. Parmi les plus fameux services, il faut citer celui qui fut fabriqué pour le comte Von Brühl lui-même; c'est le "service des Cygnes", composé de 2200 pièces, recouvert de cygnes, divinités marines, et coquillages modelés en fins reliefs. Meissen peut, avec raison, être considérée comme la fabrique pilote de la porcelaine européenne, tout au moins jusqu'en 1760, quand la Saxe entre en guerre avec la Prusse. Après 1760, Meissen décline. Sous la direction de "Marcolini" sa production perdit toute originalité dans l'imitation de Sèvres, dont l'influence à son tour s'imposait. La manufacture toujours en activité a conservé son titre officiel et reste attachée à la reproduction des modèles du XVIIIe siècle qui firent sa renommée. La marque de Meissen, deux épées croisées peintes en bleu sous couverte, est utilisée vers 1723, et de nos jours à Dresde. Malgré tous les efforts du gouvernement de la Saxe, des artisans, transfuges de Meissen, répandirent peu à peu ses procédés de fabrication dans divers pays allemands, en Autriche et dans les Pays-Bas.
BERLIN : Frédéric le Grand s'efforça d'introduire dans son royaume l'industrie de la porcelaine, et après avoir fait rechercher sur place des gisements de kaolins, réussît à attirer des ouvriers de Meissen. En 1763, il rachetait, pour en faire la manufacture royale de Prusse, une première entreprise fondée par un commerçant de Berlin, "Gaspar Vegely". Berlin imita les décors naturalistes de Meissen, les sujets dans le goût de Sèvres et les produits de Wedgwood, mais sut créer quelques décors inspirés du style rococo. Les porcelaines de Berlin doivent en outre quelque originalité à leurs colorations où dominent les harmonies de rouge et d'or, de gris et de rose et à l'emploi de fonds rayés imitant des étoffes. La manufacture royale fournit en services de table le château de Sans-Souci et ses habiles modeleurs les frères "Meyer" exécutèrent d'élégants groupes et statuettes en ronde bosse. Après une longue période de déclin artistique, consécutif à l'adoption du goût antique et des copies de styles anciens. La marque de Berlin est un sceptre.
HÔCHST-AM-MAIN : Vers 1750, l'on fabrique à Höchst, une porcelaine grossière sous un vernis blanc laiteux. Les objets de table sont décorés de paysages, de "chinoiseries", ou de fleurs à la manière de Meissen. Les premières œuvres du sculpteur Simon Feilner imitent le baroque de Kändler. La fabrique ferme en 1796, et les modèles sont acquis par celle de Damm et de Bonn qui en réalisent des reproductions en faïence. Au début du XXe siècle, ces modèles étaient encore utilisés par une fabrique de Passau, où ils étaient exécutés en pâte dure. Ces reproductions plus tardives comportent invariablement la marque de fabrique originelle: une roue à six rayons.
NYMPHENBURG : Vers 1747 est fondée près de Munich la manufacture de Nymphenburg et c'est en 1753 que l'on y obtient, avec l'aide de J. J. Ringler, une porcelaine à pâte dure de bonne qualité. Le nom du sculpteur Franz Anton Bustelli est intimement lié à celui de Nymphenburg de 1754 à 1763, il est le maître du style rococo. En 1761, la fabrique est transférée dans un bâtiment adjacent au palais de Nymphenburg où elle bénéficie encore du patronat du prince Maximilien 111 de Bavière. A partir de 1862, la production continue sous l'égide d'une compagnie privée; de nombreux objets y sont réalisés toujours d'après les modèles originaux du XVIIIe siècle. La marque est un bouclier bariolé et gravé.
FRANKENTHAL : " Paul Hannong " de Strasbourg, qui avait cuit la première porcelaine dure en France avec du kaolin d'Allemagne, n'ayant pu en poursuivre la fabrication en raison du privilège de Vincennes, transporta en 1755, les modèles de sa faïencerie à Frankenthal. En 1762, la fabrique est achetée par l'électeur Charles Théodore. Des objets d'usage courant ainsi que des statues sont réalisés jusqu'à la fermeture en 1800. Le style rococo du décor est le plus extravagant que l'on puisse rencontrer. Baden, Ludwisburg, Fulda eurent également des manufactures de porcelaines prospères dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, et la Thuringe, riche en forêts et en terre plastique, devint le centre d'une fabrication utilitaire à prix modiques, qui se poursuivit au XIXe siècle sous une forme industrialisée.
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